

Entretien avec le chercheur Jean-François Pérouse, à Istanbul.
- Jean-François Pérouse géographe, enseignant-chercheur, ancien directeur de l'Institut français d'études anatoliennes
« Nous n’allons pas baisser les yeux » disent en réponse aux policiers qui leur ordonnent de ne pas soutenir le regard, les manifestants de l’Université du Bosphore, à Istanbul.
Hier encore, plus de 170 personnes ont été arrêtées ; 150 la veille, dont la plupart libérées quelques heures plus tard.
Il y a deux colères qui se surajoutent dans ces manifestations : la plus récente, c’est l’arrestation de quatre étudiants pour avoir accroché devant l’Université, un tableau de la Kaaba, lieu saint de l'islam, surmontée de drapeaux arc-en-ciel, symbole LGBT. Le geste a valu sur Tweeter des messages du ministre turc de l’Intérieur parlant des « déviants » LGBT ou des « détraqués » LGBT selon les traductions…
La colère plus ancienne remonte au début du mois quand un nouveau recteur a été nommé pour cette Université du Bosphore, nommé par décret, par Recep Tayip Erdogan.
Ce n'est pas la première fois qu'est nommée comme recteur d'université, une personnalité extérieure à l'établissement. Mais à l'Université du Bosphore, il y a une réaction institutionnelle, une mobilisation qui n'a pas eu lieu dans d'autres établissements. Cela renvoie à une pratique, celle de l'administrateur provisoire nommé par la présidence, qui est ancienne et qui remonte à l'après-Gezi [mouvement protestataire de 2013, ndlr]. A partir de ce moment-là, on a un pouvoir qui s'octroie le droit de tout contrôler et notamment la nomination des présidents d'université. Jean-François Pérouse
Le sort des enseignants limogés par décret suite au coup d'Etat raté de 2016 est catastrophique. Il n'y a eu aucune réintégration dans l'enseignement supérieur; je ne parlerai pas de l'enseignement secondaire où le mouvement était encore plus massif. Des dizaines de milliers de personnes se sont retrouvées en marges de l'Université et exercent des petits boulots pour survivre. Certaines ont tenté de fuir et parfois sont mortes dans la mer Egée ou dans le fleuve Meriç. Bref, des drames considérables qui ont affecté la société turque, et qui continuent à la travailler de manière dramatique. Jean-François Pérouse
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