Ethiopie, Soudan, Somalie : vers une métamorphose régionale ?

Alors que les deux armées se font toujours face sur la frontière, l’Ethiopie avait sorti le tapis rouge et la fanfare pour cette première rencontre entre délégations depuis des années. Malgré une paix conclue en 2000 après deux ans de conflit très meurtrier (80 000 tués estimés), l’accord qui prévoit une restitution de certains territoires contestés n’a  jamais été entièrement appliqué et les tensions  restent très vives. C’est son application complète que le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a proposé au président érythréen Issaias Issafeworki dès le 11 juin, deux mois seulement après son investiture. 

Abiy Ahmed, premier chef de gouvernement éthiopien issu de l’ethnie Oromo a  été choisi par le parti dominant FPRDE pour rétablir la légitimité d’un pouvoir en grave crise depuis deux ans, et entreprendre des réformes inédites pour le pays : une libéralisation économique et politique. Abiy Ahmed qui a fait le tour du pays dès son  investiture apparaît comme un réformateur pressé, non sans risque. L’attentat à la grenade lors d’un meeting à Addis Abbeba le week-end dernier – supposément attribué aux Tigréens opposés à la paix –l’a  montré ; et il semble déterminé à mener de front l’ouverture intérieure  et le repositionnement régional de l’Ethiopie :  l’économie du second pays le plus peuplé d’Afrique, « usine de la  Chine », souffre de sous-financement depuis quelques mois et la pays reste géographiquement enclavé, sans accès à la mer puisque c’est  l’Erythrée qui occupe la côte Nord. 

En concluant une paix définitive, l’Ethiopie gagnerait une ouverture vers les deux ports Erythréens, ceci alors que les Emirats Arabes Unis  et l’Arabie Saoudite ont récemment repris en charge le financement de ses grands projets. Une assurance de stabilité pourrait être la contrepartie de ce nouveau soutien, dans une Corne de l’Afrique qui sert de pont voire d’arrière-cour aux Etats du Golfe,  et qui est devenue un des théâtres de la rivalité saoudo-qatarie. La  réforme Ethiopienne changera-t-elle le visage de l’Afrique ? Du moins  avec cette visite, l’Ethiopie et l’Erythrée mettrait fin pour de bon à  20 ans de graves tensions et de handicap pour  leur population.  

@TEnjeux + @XXMonde + René Lefort sur OPEN DEMOCRACY

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