

Hésitation et surprise après le premier tour de la présidentielle en Géorgie : l'ex-diplomate française Salomé Zourabichvili, n'arrive en tête que d'un point. La prééminence du Rêve Géorgien au pouvoir n'est pas assurée, la "patience stratégique" du pays pourrait-elle être troublée ?...
- Thorniké Gordadzé Enseignant à Sciences Po, ancien ministre géorgien en charge des relations avec l’Union européenne, ex Senior fellow à l’International Institute of Strategic studies,
38,6 % pour Salomé Zourabichvili, 37,7 % pour Grigol Vachadze : malgré les déclarations victorieuses hier du Rêve Géorgien au pouvoir, l'écart entre sa candidate et celui du Mouvement National Unifié est minime ; il donne peu de chances à l'ancienne diplomate française qui a déjà fait "le plein" des voix de vaincre au deuxième tour.
Ce résultat est une déconvenue pour le Rêve Géorgien, en lutte depuis 2012 contre le MNU de l’ancien président Mikhail Saakachvili qui fait aujourd’hui figure de repoussoir. Si ce scrutin est un test de popularité avant des législatives en 2020, le lent basculement vers le domination n'est plus assurée et le MNU pourrait profiter d'un barrage électoral au deuxième tour.
Le Rêve Géorgien est un rassemblement qui a une idéologie pas vraiment marquée : il est là pour gouverner. Il a été créé juste avant les élections de 2012. Ensuite, certains de ses leaders ont été arrêtés et des gens étaient agressés dans la rue. Mais le gouvernement actuel a commis un certain nombre d'erreurs très importantes, qui a permis au MNU de profiter du vote protestataire. Thorniké Gordadzé, chercheur à SciencesPo et ex-ministre géorgien de l'intégration européenne.
Un test, ce scrutin l'est aussi pour le système démocratique Géorgien. D'une part cette élection, dernière au suffrage universel est celle d'un poste de président peu à peu vidé de ses prérogatives par des réformes constitutionnelles depuis 2013 ; d'autre part, derrière le Rêve Géorgien se trouve la fortune et la gestion d’un homme qui ne s'en cache guère : le "gouvernement informel" du milliardaire Bidzina Ivanishvili, brièvement premier ministre de Saakachvili devenu son ennemi juré. Son capital personnel avoisine les 5 milliards de dollars, entre la moitié et le tiers du PIB du pays, un cas unique
Sur le plan international, cette élection pourrait aussi être un indicateur de l’orientation future de ce pays petit stratégique du Caucase, carrefour entre la Russie, la Turquie et l’Iran. Dix ans après la guerre de cinq jours en 2008, le Kremlin y manifeste toujours certaines ambitions et rappelle régulièrement sa ligne rouge de l'adhésion à l'OTAN. Cet été la déclaration du secrétaire général Jens Stoltenberg qui présentait toujours l'horizon de l'adhésion comme possible a déclenché une réplique sans équivoque de Dimitri Medvedev qui évoquait des "conséquences terribles".
Le Rêve Géorgien a cru qu'il était au pouvoir pour longtemps mais, juste avant les élections, ils ont parlé de légalisation des drogues douces. Et les gens simples ont pensé que le président milliardaire voulait profiter personellement de la commercialisation du canabis. Thorniké Gordadzé, chercheur à SciencesPo et ex-ministre géorgien de l'intégration européenne.
Du côté des partis politiques géorgiens, "l'euro-atlantisme" reste un rare point de consensus, mais comme une sorte d'horizon inatteignable. Malgré un accord d'association avec l'UE en 2014, la Géorgie reste toujours en attente d'adhésion à l'UE.
Sur ce dernier point, Salomé Zourabichvili est une figure ambiguë : ancienne ambassadrice française nommée par Jacques Chirac et ayant fréquenté l'OTAN, et candidate financée un oligarque proche de la Russie ; malgré les efforts pour mettre en scène son patriotisme, elle a aussi troublé la campagne électorale avec des déclarations sur la responsabilité géorgienne dans le conflit de 2008.
Cette élection clarifiera-t-elle le jeu national et international de la Géorgie? Un des problèmes, notait un diplomate dans Le Monde, est que les principaux protagonistes ne se mettent pas en avant : Bidzina Ivanichvili dans sa résidence de Tbilissi, Mikhail Saakachvili en exil ; tous deux dans l'incapacité de revenir ouvertement aux responsabilités, qui font ressembler cette élection à "une joute entre deux spectres".
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