- Jean-Sylvestre Mongrenier Docteur en géopolitique, directeur de recherche à l'Institut Thomas-More et chercheur à l'Institut français de géopolitique
La décision unilatérale de l’Allemagne d’accueillir jusqu’à 900 000 réfugiés (essentiellement du Proche-Orient) puis sa volonté initiale de mutualiser la politique d’immigration communautaire (par le biais de quotas obligatoires) ont soulevé des débats qui ne vont que s’amplifier. Par sa nature et son ampleur, la situation actuelle, très évolutive, ne peut se comparer à celles provoquées par les vagues d’immigration venant d’Afrique subsaharienne, via l’île italienne de Lampedusa ou les Balkans occidentaux. Après la période compréhensible de compassion mais plus discutable d’euphorie, des questions se posent, durables.
Comment apprécier les divisions au sein des partis allemands (SPD, CDU-CSU) ? Les populismes et les extrêmes-droites n’en sortiront-ils pas renforcés ? Y a-t-il une division « Est-Ouest » en Europe sur la question ?
Les radicaux islamistes ne s’installeront-ils pas en plus grand nombre sur le sol européen ?
Pourquoi des pays du Sud de l'Europe sont-ils opposés à cette politique allemande ?
Th. G.
_En Bulgarie, ** le journaliste Arthur Frayer-Laleix s’est mis dans la peau d'un migrant en tentant le voyage de transit jusqu’à Calais, pour rejoindre Londres. Son récit est effrayant : « ** J'ai eu une mauvaise expérience avec la police bulgare. Ils m'ont intimidé, j'ai reçu un coup de matraque, ils m'ont enfermé une demi-heure dans le coffre d'une voiture et m'ont reconduit illégalement en Turquie. Ils ont aussi coupé les sangles de mon sac à dos pour que je ne puisse pas le porter. Pourtant, la Bulgarie est signataire de la Convention de Genève sur les réfugiés. Un demandeur d'asile doit normalement voir son cas étudié. Ce n'est pas du tout respecté . »
En Belgique , comme dans plusieurs autres pays d’Europe du nord, des économistes et des universitaires considèrent que les migrants renforcent l’économie. Des chercheurs de l’Université Catholique de Louvain (UCL) ont étudié la question et leurs conclusions sont résolument optimistes : l’impact de l’immigration sur les finances publiques serait positif d’environ 2 milliards d’euros.
En France , la situation des 1500 migrants qui transitent par Calais se détériore de façon dramatique avec l’arrivée brutale des grands froids. Ils étaient hier Iraniens, Irakiens, Afghans... Ils sont aujourd'hui Syriens, Soudanais, Erythréens. Ils y vivent dans des conditions sanitaires catastrophiques. Plusieurs fois par semaine, les équipes de Médecins du Monde partent à la rencontre de ceux qui cherchent un abri dans différents endroits de la ville. Aux abords des camps improvisés ou dans les squats urbains, l’association médicale mène plusieurs actions d'urgence, en apportant simplement de l'eau et des soins de première nécessité.
Parmi les 800'000 à un million de réfugiés attendus cette année en Allemagne , des milliers de jeunes syriens et irakiens sont prêts à reprendre le chemin de l’université. «Et il y a beaucoup de jeunes talents, c’est un potentiel énorme pour le pays, que nous ne devons pas gâcher.» insiste un étudiant allemand qui lance Kiron, une université pour les sans-papiers qui va permettre aux jeunes demandeurs d’asile d’étudier sans attendre l’obtention de leur autorisation administrative pour entamer les cours.
De nombreux pays de l’Union Européenne considèrent ces centaines d emilliers de migrants comme une menace dont il faut se protéger, alors que l'Allemagne veut faire de ses réfugiés de bons ouvriers**. **
A Berlin,121 personnes, dont une douzaine de parlementaires allemands parmi lesquels se trouvaient la co-présidente du parti Die Grüne et la vice-présidente du parti Die Linke, ont pris place mardi sur un canot pneumatique, semblable à ceux employés par les migrants qui traversent la Méditerranée et ont parcouru la Spree, le fleuve qui traverse la ville, en passant devant le Bundestag.
Pendant ce temps, le mouvement islamophobe Pegida a exigé lundi la démission de** la chancelière allemande en la désignant comme «la femme la plus dangereuse d'Europe». ** «La mafia de l'asile et la racaille politique au goulag», clamait une large pancarte lors de leur dernière manifestation hebdomadaire.
Aujourd'hui déjà, un être humain sur sept vit en Afrique et bientôt ce sera un sur quatre. Les experts des deux plus grandes organisations économiques internationales, la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International, prévoient une émigration massive sur le long terme des pays pauvres vers les pays riches. Une migration de grande envergure, qui sévira au moins pendant plusieurs décennies, fera partie intégrante d'une économie globalisée. C'est ce qui ressort d'une étude sur la pauvreté et la démographie dans le monde. Un phénomène qui doit être considéré comme une chance, ainsi que l'a souligné le président de la Banque Mondiale.
En Grèce , Yanis Varoufakis fait partie de ceux qui accusent les pays d’Europe de l’Est d’égotisme. Considérant qu’ « il y a une relation directe entre l’austérité et la xénophobie », il espère que cette crise des migrants qui divise l’Europe en deux camps sera un coup de semonce salvateur qui, au final, saura réveiller l’Union entre les 27.
Et c’est désormais** en Palestine** que beaucoup d’habitants sont prêts, eux aussi, à tenter le grand voyage vers l’Europe. Talab Bulbul, 62 ans et père de quatre jeunes adultes, fait partie de ceux qui cherchent à partir: "Je suis sérieux, très sérieux – nous irons en Europe, s'il le faut. Peu importe où, même le plus petit village reculé, n'importe où… est mieux qu'ici !"
- Les principales routes empruntées par les migrants - CARTE ANIMEE - (Sources : Frontex, HCR pour les estimations de réfugiés -* flèches violettes* - et Eurostat pour les demandeurs d'asile - ronds oranges .)
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