Maldives : victoire de l’opposition et basculement géopolitique ?

Mohamed Solih
Mohamed Solih ©AFP
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C’est la surprise après la reconnaissance de sa défaite par Abdulla Yameen face à Ibrahim Mohamed Solih, élu nouveau président de la République des Maldives avec près de 60 % des voix. La démocratie retrouve un partisan, la Chine pourrait perdre un allié.

Avec
  • Olivier Guillard Chercheur-associé à l’Institut d’études de géopolitique appliquée, directeur de l’information chez Crisis24 et chargé de cours à l’EDHEC

L’Inde s’était émue de l’incursion de la Chine dans son pré-carré stratégique. Le nouveau président a bien pris compte de cette situation géostratégique, qui peut être mise au profit des Maldives, en rappelant que les bonnes relations avec l’Inde devaient être restaurées, mais qu’en même temps il ne s’agissait pas d’envoyer par les flots les relations qui ont été tissées avec la Chine, pour le bien du développement national.           Olivier Guillard 

Certains journalistes imaginaient une « farce », l’opposition dénonçait à l’avance un « vol » ; une perquisition de la police et des arrestations au QG de l'opposition la veille étaient de mauvais augure ; finalement le président Abdulla Yameen quitte le pouvoir par les urnes, avec même pas la moitié des voix 41 %. Les 89,2 % de participation sont un message clair contre son mandat, et en faveur du Parti Démocratique des Maldives de l'outsider Ibrahim Solih. Ce changement est donc autant une victoire de l'opposition que l'abdication d'un autocrate.

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L'archipel toujours en plein essor touristique était soudain apparu plus austère à la faveur de la crise politique du début d’année, la reprise en main de la Cour Suprême, les arrestations dans les rangs de l'opposition et les 45 jours d'état d’urgence décrété par Abdulla Yameen. La loi électorale avait été modifiée en faveur du pouvoir, il avait mené pour sa campagne pas moins de 68 déplacements en 3 mois ; mais les pressions internationales et internes sont devenues trop fortes pour le président à la légitimité douteuse depuis son élection en 2013 lors d'un scrutin annulé puis rejoué. 

Carte des Maldives et présentation du candidat de l'opposition Ibrahim Mohamed Solih, vainqueur des élections, et du président sortant Abdulla Yameen
Carte des Maldives et présentation du candidat de l'opposition Ibrahim Mohamed Solih, vainqueur des élections, et du président sortant Abdulla Yameen
© AFP

Abdulla Yameen et Ibrahim Solih ont tous les deux annoncés une "transition en douceur". Pour le nouveau président l'enjeu sera au moins double : D'une part il devra assurer le retour à d'un ordre démocratique à la dérive depuis un coup d'Etat en 2016.  

D'autre part il lui faudra préciser l’orientation géopolitique d'un archipel de 350 000 habitants et 1200 îles, vigie de l’Océan Indien, dont le parrainage est convoité par les deux grands rivaux asiatiques, la Chine et l'Inde. Le Nord de l'archipel est à 700 km du sous-continent indien, son parrain historique ; l'ensemble est situé en plein sur la Route de la Soie maritime chinoise, face au Sri Lanka ou Pékin vient d'obtenir une concession de 99 ans pour un port en eaux profondes. 

Pour la Chine, sa présence dans l’Océan Indien est une nécessité et le Sri Lanka voisin en a fait les frais très récemment. La Chine a besoin de pays amis situés sur la voie de son commerce maritime mondial. Mais stratégiquement, avoir une présence à moins de 1000 km de l’Inde lui permet d’avoir un mot à dire sur ce qui se passe dans la région d’un point de vue strictement « réflexe de défense ».  Olivier Guillard

Ces dernières années Yameen s’était rapproché de la Chine, un traité de libre échange a été conclu l'année dernière. Cependant, les Maldives souffrent d'une solvabilité fragile et les investissements chinois attendraient 80 % de la dette de l’archipel. Comme beaucoup de pays-étapes ou bénéficiares des Nouvelles Routes de la Soie, le risque d'un "piège de la dette" se pose. Ibrahim Mohamed Solih a promis d’infléchir cette attitude mais il ne pourra pas rompre radicalement. L'Inde, elle, s'est empressée de féliciter "de tout cœur" le nouveau président.    

S'il s'agit d'un retournement politique, assistera-t-on aussi à un pivot géopolitique ?

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Olivier Guillard (sur le site de l'Iris) + Crisis24 The Global Security Portal

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