

Après plus d'un an de controverses, les 28 Européens viennent de valider mardi le gazoduc Nordstream 2. Malgré les pressions de Washington, ce tuyau fera à la fin de l'année de la mer Baltique la principale voie du gaz russe vers UE et de l'Allemagne son principal "hub".
- Angélique Palle Géographe, chercheuse à l'IRSEM, membre du projet ANR Army
rD'ici 2020, le gazoduc Nord Stream 2 traversera directement la mer Baltique, sans pays de transit, de la Russie à l'Allemagne. Ce projet, estimé à 9,5 milliards d'euros, double le tronçon Nord Stream 1, inauguré huit ans plus tôt. Il aura une capacité de 55 milliards de mètres cube, soit 11% de la consommation annuelle européenne. Ce nouveau gazoduc est source de tensions économiques et diplomatiques au sein de l'Union européenne mais aussi entre l'UE et les Etats-Unis.
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Un gazoduc stratégique et émancipateur ?
Actuellement, l'Allemagne est en pleine transition énergétique et a donc choisi d'importer du gaz naturel liquéfié pour les années à venir. Malgré sa volonté affichée de diversifier ses fournisseurs énergétiques, la Pologne, les Etats baltes et surtout les Etats-Unis voient d'un très mauvais œil ce chantier stratégique et économique cher au Kremlin. Pour l'Europe, la crainte d'un monopole allemand se fait sentir. Pour le gouvernement Trump, le gaz de schiste doit être davantage exporté sous forme de gaz naturel liquéfié en Europe. Mais il craint de voir ses partenaires occidentaux plus dépendants du gaz russe, véritable outil diplomatique et géopolitique de Moscou.
Il y a une discorde assez fondamentale autour de ce gazoduc pour deux raisons. La première est économique, interne à l'UE : la question est de savoir qui est le hub gazier européen de redistribution, les Polonais sont sur les rangs également et s'opposent à l'Allemagne sur ce point. Et puis il y a la question externe à l'UE, celle de la diversification des approvisionnements. L'UE est déjà très dépendante de la Russie à 35% du marché et les opposants au projet, toujours la Pologne, mettent en avant que la dépendance à la Russie s'accroîtrait avec ce projet et mettrait en péril le transit gazier par l'Ukraine, fragilisant la position ukrainienne vis-à-vis des Russes. Angélique Palle
L'acteur le plus préoccupé par ce projet reste l'Ukraine, allié des Occidentaux et habitué aux guerres du gaz avec la Russie. Nord Stream 2 risque de l'éliminer en tant que pays de transit, ce qui pourrait encore fragiliser l'Ukraine dans ses négociations avec la Russie selon l'AFP. Les taxes perçus sur le transit de gaz russe sont une ressource indispensable pour son économie, un motif que souligne notamment Washington.
En attendant, Moscou et Kiev discutent sous médiation européenne sur les modalités de l'acheminement du gaz via l'Ukraine, le contrat décennal de transit en cours expire le 31 décembre 2019. Ce dossier bilatéral va s'annoncer très tendu car les Ukrainiens devraient exiger des prix plus élevés alors que les Russes voudront limiter les volumes de gaz à cause de Nord Stream 2. Le tout dans un contexte d'élections ukrainiennes et européennes déjà redoutées.
Pour négocier directement avec les Européens sans passer par l'Ukraine, la Russie a développé depuis plusieurs années une alternative technique grâce à trois gazoducs
48 sec
Le 12 février, pour apaiser les tensions, Berlin fait un pas vers le GNL américain. Merkel assure : "A l'avenir on veut avoir du gaz liquéfié, des terminaux méthaniers pourraient être construits en Allemagne" pour ne pas dépendre exclusivement du gaz russe. La sécurité énergétique allemande serait aussi garantie par la sollicitation d'autres fournisseurs comme le Qatar, l'Israël ou l'Egypte. Mais le principal écueil reste le coût du gaz américain, bien supérieur à celui du gaz russe.

Le mercredi 13 février, un compromis a été trouvé entre les négociateurs du Parlement européen et des Etats membres pour réviser la réglementation sur le transport du gaz, une disposition toujours perçue comme source de complication pour Nord Stream 2 mais qui ne remet pas en cause sa construction.
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