UE - gilets jaunes : "L'érosion de la base fiscale", base de la colère sociale ?

A Aix-en-Provence, des militants de l'association française ATTAC manifestent devant l'Apple Store contre l'évasion fiscale
A Aix-en-Provence, des militants de l'association française ATTAC manifestent devant l'Apple Store contre l'évasion fiscale  ©AFP - ANNE-CHRISTINE POUJOULAT
A Aix-en-Provence, des militants de l'association française ATTAC manifestent devant l'Apple Store contre l'évasion fiscale ©AFP - ANNE-CHRISTINE POUJOULAT
A Aix-en-Provence, des militants de l'association française ATTAC manifestent devant l'Apple Store contre l'évasion fiscale ©AFP - ANNE-CHRISTINE POUJOULAT
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Parmi les revendications récurrentes des "gilets jaunes" en France et en Europe ces derniers jours, la justice fiscale. Elle vise l'impôt mais aussi l'évasion fiscale. Dans l'UE, la fraude et l'évasion sont estimées à 1000 milliards € par an : au point de déstabiliser les Etats?

Avec
  • Sylvie Matelly Economiste et directrice adjointe de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS)

Réédition des jacqueries ou prémonition d'un nouveau 6 février 1934 : le mouvement des "gilets jaunes" a inspiré toutes les comparaisons dans l'histoire française parce que, dénué d'intermédiaires, il n'a pas d'équivalent dans la vie politique récente. D'autres pays européens font l'expérience de mouvements de gilets jaunes (moins nombreux) depuis quelques jours, voire semaines pour la Belgique. En Wallonie comme en Serbie, Bulgarie ou Pays-Bas, la protestation s'est au départ fortifiée contre la hausse de prix des carburants, avant de devenir une revendication fiscale plus large. 

L’impression d’injustice fiscale semble fédérer tous les mouvements de contestation en Europe et partout dans le monde. On est probablement face à un sujet extrêmement important à traiter d’urgence.      Sylvie Matelly, directrice adjointe de l’IRIS

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Comme mouvement de protestation fiscale, les gilets jaunes présentent certaines similitudes avec le Tea Party qui a fait campagne en 2009 aux Etats-Unis à travers une série de manifestations chacunes des réformes de Barack Obama : comme les gilets jaunes, le Tea Party mêlait le rejet fiscal et les attaques envers l'administration de l'époque ; à la différence du mouvement français sans label politique déclaré, il visait spécifiquement à s'imposer au sein du Parti Républicain pour infléchir sa politique vers un conservatisme plus dur.   

L’évolution des partis politiques n’a pas pris la mesure de l’évolution de nos sociétés, avec cette impression que la désindustrialisation faisait disparaître une classe ouvrière, et on n’a pas bien pris la mesure de cette évolution : on a cessé de parler à ces gens-là. Ce phénomène se double de la mondialisation qui donne des possibilités à un certain nombre d’individus de gagner toujours plus d’argent et, en plus, de faire de l’évasion fiscale ! Et à d’autres personnes, au contraire, d’être marginalisées, de voir leur pouvoir d’achat stagner mais d’être de plus en plus imposées...         Sylvie Matelly, directrice adjointe de l’IRIS

Les gilets jaunes ne visent pas seulement la répartition de l'impôt, mais aussi le manque à gagner fiscal : principalement par évasion et fraude délibérée. « Non aux taxes », « Carlos Ghosn : rend l’argent », « Oui à l’Ecologie, non aux Paradis Fiscaux » : ce sont quelques-uns des slogans qu'on peut lire sur les gilets de ceux qui manifestent en France depuis le 17 novembre.

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Qu'il s'agissent de la fraude patente, de l' "évasion" plus trouble, ou de l'optimisation complaisante qui s'apparente parfois à du "dumping fiscal", le manque à gagner ne peut être qu'estimé. En 2017, l'OCDE avançait les sommes de 100 à 240 milliards d'euros perdus chaque année par optimisation en 2017, et de 350 milliards soustraits par évasion fiscale. Le total de la fraude et de l'évasion représenterait selon le Parlement Européen environ 1000 milliards d'euros en UE chaque année.

La multiplication des scandales ces dix dernières années (UBS, Offshore Leaks, Lux Leaks, Panama Papers, scandale CumEx récemment... ) a eu des conséquences importantes : elle a révélé des techniques de dissimulation très élaborées, elle a montré l'implication complaisante d'un ensemble d'Etats, et a incité les institutions internationales  - OCDE et G20 au premier chef - à trouver de nouveaux moyens de lutte. Ce sont d'abord des moyens de transparence et les particuliers sont d'abord visés (loi Fatca aux USA en 2014). Plus récemment, les banques ont eu des contraintes plus fortes (échange automatique de données) et de plus en plus les pratiques des entreprises sont mises sous surveillance. 

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L'Union Européenne tente aussi de trouver de nouveaux moyens de contrôle. Dans moins d'un mois entrera en vigueur la directive 2016/1164 contre l' "évasion fiscale et la planification fiscale agressive". Les progrès sont plus incertains concernant la lutte contre les pratiques de "dumping" fiscal ou l'évasion intra-européenne : sur les 17 pays inscrits sur une "liste noire des paradis fiscaux" à la fin de l'année 2017, ils n'étaient que 7 en juin de cette année.  

L’évasion fiscale est un phénomène qui s’est généralisé et banalisé. Elle peut concerner à peu près tout le monde, et pas uniquement les ultra-riches ou les multinationales. C’est très facile : même un chauffeur "Uber" peut recevoir ses revenus sur des comptes hébergés dans des paradis fiscaux. C’est très difficile de lutter contre ça, même si c’est impératif bien évidemment…      Sylvie Matelly, directrice adjointe de l’IRIS

Sur un autre plan, le projet de taxe européenne sur les GAFA particulièrement porté par la France, vient de connaître hier un feu vert ambigu : la France et l'Allemagne sont tombées d'accord, mais pour une taxe "amoindrie", de 3 %, sur le chiffre d'affaire publicitaire des grands opérateurs étrangers. Le vote des Etats est reporté à mars 2019 - si la commission technique parvient à un consensus. 

Classement 2018 de l'indice sur le secret financier établi par l'ONG Tax Justice Network, dans lequel les Etats-Unis figurent à la 2e place derrière la Suisse
Classement 2018 de l'indice sur le secret financier établi par l'ONG Tax Justice Network, dans lequel les Etats-Unis figurent à la 2e place derrière la Suisse
© AFP - KUN TIAN, THOMAS SAINT-CRICQ

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"Les Gilets jaunes ont manifesté le 17 novembre dans toute la France. Pourquoi parler de Jacquerie dans la situation actuelle ? Le terme désigne la Grande Jacquerie de 1358 et, par extension, l’ensemble des révoltes paysannes. Les seigneurs avaient eu besoin des paysans pour remettre en culture les terres abandonnées avec les épidémies de peste. Mais ils leur demandaient de plus en plus de taxes... et les paysans ne voulaient plus subir cette pression financière de la part de nobles qui avaient auparavant lâchement abandonné le roi aux Anglais..."  Vous pouvez consulter gratuitement l'intégralité de cet article publié par Éric Vernier sur le site de l'Iris en cliquant ICI

"Ce que dit l’arrestation de Carlos Ghosn sur la lutte contre l’évasion fiscale. On constate une montée en puissance de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, l’arrestation de Carlos Ghosn en est un nouvel épisode. Les initiatives se sont en effet multipliées ces dernières années. C’est le cas aux États-Unis, où la loi FATCA impose à toutes les banques qui hébergent des avoirs de citoyens américains de déclarer leurs revenus au fisc américain. C’est extrêmement efficace !"   Vous pouvez consulter gratuitement l'intégralité de cet article publié par Sylvie Matelly sur le site de l'IRIS en cliquant ICI

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