

Perchée dans les Hautes-Alpes, la ville de Briançon est devenue un point d'étape pour les migrants passant la frontière franco-italienne. Alors que l'association "Tous migrants" a fermé son centre d'accueil faute de moyens, quelle politique est poursuivie par les pouvoirs publics ?
- Oriana Philippe Chercheuse en sociologie politique à l’Université de Toulouse Jean-Jaurès.
La ville de Briançon, 11 mille habitants, dans les Hautes-Alpes s'est transformée en un point de passage pour 20 à 60 migrants qui descendent de l'Italie via le col de l'Echelle chaque jour. Contrainte de fermer son centre d'accueil faute de moyens, l'association "Tous migrants" a attaqué la préfecture en justice pour son refus de fournir des places d'hébergement d'urgences aux personnes échouées dans la ville.
Comment l'Etat se saisit-il de la question migratoire à la frontière italienne ? Que reste-t-il des initiatives d'aide aux migrants ? Nous en parlons avec Oriana Philippe : chercheuse en sociologie politique à l’Université de Toulouse Jean-Jaurès, elle a effectué un terrain sur place entre 2019 et 2021.
Des associations débordées par l'affluence d'exilés
Selon Oriana Philippe, les associations briançonnaises d'accueil de migrants sont débordées depuis le début des passages :
Ce sont des personnes bénévoles, donc avec des moyens quand même réduits, qui ont depuis le début le sentiment de faire le travail de l'Etat, puisqu'il y a normalement une obligation d'hébergement d'urgence pour toute personne en détresse. S'y ajoutent des énergies qui s'épuisent forcément, puisqu'on est sur des personnes qui donnent du temps libre à côté de leur vie de famille, et puis le contexte également, puisque les arrivées augmentent depuis mai-juin.
La crise sanitaire et les contrôles associés ont conduit à bloquer les migrants plus longtemps sur place :
L'obligation du passe sanitaire a eu un impact important, car habituellement, très peu de personnes s'arrêtent à Briançon, c'est vraiment un territoire de transit. Ce qui se passe, c'est que des tests antigéniques ou PCR doivent être réalisés, et demandent un certain délais. Ça demande de l'argent aussi, tout simplement. La Croix-Rouge en a fourni pendant un certain temps et essaie d'en faire, mais ne peut le faire tous les jours. (..) Ça suffit à ralentir le flux et à créer une situation où il y a un nombre croissant de personnes qui doivent être accueillies dans la ville. Oriana Philippe
La population migrante a aussi évolué avec le temps; elle comprend aujourd'hui des personnes plus vulnérables :
C'est quand même essentiellement des personnes qui viennent de l'Asie, donc de l'Afghanistan, de l'Iran aussi, essentiellement, même s'il y a évidemment toujours d'autres nationalités qui s'y ajoutent. La problématique particulière est qu'il s'agit vraiment de familles avec des enfants en bas âge et de femmes enceintes, un phénomène relativement nouveau. Dans les toutes premières années de passage à Briançon c'étaient plutôt de jeunes hommes, donc il y avait moins de vulnérabilité physique, puisqu'il y avait moins d'enfants et moins de moins de femmes. Oriana Philippe
Un point de passage dangereux
Depuis que des contrôles réguliers dans le tunnel de Fréjus reliant Menton et Vintimille excluent de fait ce point de passage pour les migrants, ils se rabattent sur des traversées plus dangereuses, comme la traversée du col de l'Echelle.
C'est vraiment l'élément qui est à la base de ce référé liberté, puisque c'est vraiment, au vu des conditions météorologiques particulières de la région qu'il y a une mise en danger spécifique des personnes. Même hors saison, le terrain est très escarpé, avec la Durance, une rivière quand même extrêmement violente. Il y a quand même très peu de chances de s'en sortir si on y tombe. Même hors saison, il faut connaitre les ravins, etc, mais alors l'hiver, avec des dizaines de centimètres de neige, c'est vraiment une dangerosité particulière. Oriana Philippe
Ce contexte constitue une des raisons de l'activité associative sur place, qui s'est progressivement installée sur place depuis les premiers passages en 2016/17. Les associations CAO et Tous migrants existaient déjà avant leur implantation à Briançon, et se sont progressivement saisies de la situation dans les Hautes-Alpes :
Des personnes qui étaient déjà engagées ont pris en main l'accueil des personnes quand ces migrants ont commencé à passer par la frontière en 2016/2017, suite à la fermeture de la frontière franco-italienne. Ils ont assez rapidement institué, dès 2017, un refuge solidaire pour mettre à l'abri les personnes, pour les accueillir et leur permettre de se reposer avant qu'ils ne continuent leur route. Oriana Philippe
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