Ce week-end se sont réunis à Villevallier, dans l'Yonne, les représentants des maires ruraux. Quel projet politique portent ces partisans de la 'ruralité' ?
- Martin Vanier Géographe, professeur d’aménagement et urbanisme à l’École d’urbanisme de Paris.
Au centre de l'attention durant la crise des Gilets jaunes, les territoires abandonnés de la République comptent bien peser pendant les élections présidentielles. De l'autonomie financière à la continuité de l'accès aux soins, quels enjeux recouvrent nos campagnes ? La "ruralité", un outil de lobbying politique ?
La tenue du congrès de l'Association des Maires Ruraux de France (AMRF) à l'occasion de son 50ème anniversaire nous nous livre des éléments de réponse à ces questions. Soulignant l'enjeu de la 'ruralité' pour les élections présidentielles, la visite de Jean Castex est venue rythmer le congrès. Mais au-delà des effets d'annonce (extension de l'initiative "1.000 cafés", déploiement des maisons France Services), que représente cet objet de convoitise politique qu'est la 'ruralité' ?
Martin Vanier est géographe, professeur à l'Ecole d'Urbanisme de Paris.
Pénurie d'élan politique ?
Aux élections municipales de 2020, l'avenir politique de Villevallier est un instant resté en suspens : faute de candidat, la mise sous tutelle du village par la préfecture a été envisagée, jusqu'à ce qu'une personne se déclare finalement. Un symptôme de la détresse vécue par la responsabilité municipale et un signe du morcellement communal en France, selon Martin Vanier :
Quand une commune n'a plus de vitalité citoyenne, il faut créer une commune nouvelle en élargissant le périmètre. (...) C'est le sens du mouvement des communes nouvelles.
Il y a eu un petit coup de feu il y a deux ans au relancement de ce genre de politique, mais ça n'a pas eu un succès considérable, il y a eu environ 1 000 nouvelles communes. Il y a une réticence qui est assez paradoxale : si on ne peut plus gérer les toutes petites communes, il faut les élargir. Martin Vanier
Une ruralité à redéfinir
Pour Martin Vanier, tout le discours sur la ruralité porté par l'AMRF nécessite un recadrage conceptuel :
Je voudrais revenir sur les termes de ce débat, qui commence par dire qu'un tiers des Français habitent le monde rural. Il existe en France un espace rural et une campagne, un espace de faible densité, avec des formes de moindre présence de tout un tas de services ou d'institutions, mais cela ne constitue pas pour autant un monde, avec une société à part, typée, qui vivrait un contexte qui lui serait propre parce que nous sommes dans une société de mobilité.
Tout ne va pas mal dans le milieu rural pour Martin Vanier : des réformes sur le fonctionnement des territorialités (service du cadastre, trésorerie, dématérialisation des procédures) ont changé l'offre de services publics dans les régions.
Les réformes mettent en place un nouveau mode de pratique où nous n'avons plus les choses en bas de chez nous, mais nous les avons de grande qualité dans des fonctionnements de déplacement extrêmement répandus.
Le bilan sur le recul du service public dans les campagnes mélange à la fois une crise de ce service public qui est nationale. Quand je dis crise, ce n'est pas forcément un recul, c'est une remise en cause et des critiques sur son fonctionnement. C'était le cas, pendant la pandémie, de l'hôpital, et pas que dans les zones rurales. Martin Vanier
A la tendance générale de l'intercommunalisation en France, Martin Vanier oppose des discours politiques qui prospèrent sur une idée de fracture entre métropoles et campagnes :
Quand vous soulignez à tout propos les fractures et que vous les caricaturez, vous vendez sur le marché politique une promesse de révolte. Vous vous présentez en réceptacle de toutes les colères et il y a des familles politiques dont c'est le crédo.
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