Si l'on connait bien le vote des espaces désindustrialisés en faveur du Rassemblement National, on ignore parfois que nombre de territoires périurbains dynamiques font aussi le choix de l'extrême-droite. Zoom sur le département de l'Ain et ses classes populaires.
- Violaine Girard Maîtresse de conférences en sociologie à l’Université de Rouen
Avec Violaine Girard, sociologue, maîtresse de conférences à l’Université de Rouen. Autrice de Le vote FN au village : trajectoires de ménages populaires du périurbain, éditions du Croquant, 2017
Dans le Bugey, région historique de l'Ain, le Rassemblement National obtient de très bons scores lors des élections présidentielles et ce depuis 2002, comme l'explique Violaine Girard : "le taux de participation et les pourcentages de suffrages exprimés pour le rassemblement national, mais aussi pour les candidats de la droite classique (Emmanuel Macron pour ce scrutin) sont supérieurs aux moyennes nationales.".
Le Bugey, terre d'industrie
La plupart des votes proviennent de foyers plutôt populaires "dans ce territoire, il y a une surreprésentation par rapport aux moyennes nationales dans la population active d'ouvriers chez les hommes et d'employées chez les femmes." L'Ain est le département le plus industrialisé de France.
Pour comprendre, il faut plonger dans l'histoire économique de ce territoire : "dans les années 1970, l'Etat avait une politique volontariste d'implantation de nouvelles zones d'activités." Le Bugey fait partie de ces zones économiques dénommées "parcs industriels" dans lesquelles les collectivités ont beaucoup investi. Ce sont des zones situées à proximité de nœuds autoroutiers dans lesquelles s'implantent nombre d'industries.
La France pavillonnaire
Après 1968, "les chefs d'entreprise sont à la recherche d'un territoire rural dans lequel la main d'œuvre se fidélisera à l'esprit d'entreprise et ne sera pas trop combative. Des employés qui ne seraient pas prompts à se syndiquer et à revendiquer des meilleures conditions de travail" développe Violaine Girard.
La sociologue ajoute : "le développement de ce pôle d'emploi périurbain se conjugue avec une politique nationale d'encouragement grâce à des prêts notamment, à l'accession à la propriété". A la fin des années.19 80, un ménage ouvrier sur deux est propriétaire de son logement. Cette "accession à la propriété se fait beaucoup plus dans des maisons individuelles pavillonnaires, qui sont moins chères que dans les appartements de centre ville"
Le vote RN
Il y a quelques années, ce canton était très en faveur de Nicolas Sarkozy, un vote pour la droite traditionnelle qui remonte aux années 1970. Ce vote s'est radicalisé, lié au "scepticisme à l'égard des professionnels de la politique. Pour la plupart des ouvriers, les personnes qui sont à la tête des grands partis ne sont pas suffisamment au fait des enjeux, économiques et sociaux."
Quand Violaine Girard avait tenté de comprendre la popularité de Marine Le Pen en interrogeant des ouvriers, on lui avait répondu : "on envoie un signal au système, on va donner un bon coup de pied dans la fourmilière".
Puis de finir : "ce vote s'accompagne de tentatives de mise à distance des personnes qui seraient issues de l'immigration ; avec certaines formes de discrimination, par exemple, pour les informations sur l'accès au logement de la part d'élus municipaux."
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