Les filles du coin : penser la ruralité au féminin

Monthermé, sur les rives de la Meuse
Monthermé, sur les rives de la Meuse ©Getty - David Briard
Monthermé, sur les rives de la Meuse ©Getty - David Briard
Monthermé, sur les rives de la Meuse ©Getty - David Briard
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Quand on ne parle pas des jeunes des villes ou des banlieues, c'est souvent vers les 'gars perdus' des campagnes que notre imaginaire se porte. Comment les femmes rurales vivent-elles et font-elles vivre la France rurale ?

Avec
  • Yaëlle Amsellem-Mainguy Sociologue, chargée d'études et de recherche à l'Institut National de la Jeunesse et de l'Education Populaire (Injep)

À l'occasion de la Journée internationale des femmes rurales, les Enjeux investissent la campagne pour rendre compte des ambitions, des déceptions et des contraintes auxquelles sont confrontées les jeunes filles de campagne. Souvent absentes de l'espace public rural, elles sont entravées par des ségrégations spatiales et des barrières de genre considérables. Mais quel est leur rapport à ce petit monde bien souvent caractérisé par des synonymes du vide ?  

Fille de campagne, un choix ou un destin ? Nous en parlons avec Yaëlle Amsellem-Mainguy, chargée de recherche à l’INJEP, autrice de “Les Filles Du Coin” aux Presses de Sciences Po en avril 2021.

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Où tout est loin

Une enquête dans la pointe du Finistère, dans la Vallée de la Chartreuse, les Deux-Sèvres et les Ardennes pour étudier le quotidien des filles en milieu rural.

Les jeunes filles vont définir la ruralité par, d'une part, la nature et la campagne, mais aussi par leur éloignement des services publics et des transports en commun. On voit combien la mobilité est essentielle pour eux, pour leur manière de définir la ruralité.  

Il y a une injonction à la mobilité sur la jeunesse. De manière générale, quand on grandit en milieu urbain, la mobilité, elle, doit se passer du côté de l'international. Il faut toujours regarder vers mieux, plus grand et plus loin. Quand on est une fille en milieu rural, les adultes et les institutions portent souvent le regard vers la métropole la plus proche_._ Yaëlle Amsellem-Mainguy

Des inégalités de genre persistantes 

Un rapport du Sénat paraît aujourd'hui pour pointer les inégalités persistantes entre filles et garçons en milieu rural. Alors que 90 % des garçons ont le permis, elles ne sont que 80 % des filles à l'avoir. L'offre d'emploi est également orientée vers des secteurs à dominante masculine, qui représentent 36 % des communes rurales contre 21 % des communes urbaines. Yaëlle Amsellem-Mainguy pointe également des distinctions de genre qui sont prégnantes dans le milieu rural :

Les filles, on leur permet de conduire plus tard que les garçons en milieu rural, notamment dans les fractions les moins favorisées. Elles ont leur permis plus tard et lorsqu'elles l'ont, elles n'ont pas forcément la voiture qui va avec. Tandis que leur alter ego masculin, les cousins, les frères, les copains, ont une voiture souvent avant d'avoir le permis.

Face à des transports en commun qui n'existent pas vraiment, elles doivent composer avec les cars scolaires, et quand elles ne sont pas scolarisés, il y a de la négociation avec les chauffeurs de cars pour quand même en bénéficier.

Il y a beaucoup moins d'entraîneurs pour les filles que pour les garçons, et donc beaucoup moins d'activités sportives pour les filles que pour les garçons. Et puis, on va moins s'inquiéter de filles qui ne font pas de sport à l'adolescence parce que socialement, on considère que c'est pire pour les garçons, tandis que les filles vont avoir tendance à investir les intérieurs. Yaëlle Amsellem-Mainguy

Le rapport du Sénat recommande le développement des transports publics et des "arrêts à la demande". Ils demandent également l'intégration de l'apprentissage du code de la route dans le parcours scolaire.