Sanctuaire, sanctuariser

Sanctuaire, sanctuariser
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A l’occasion d’un fait divers récent, qui a secoué la classe politique, les médias, le public, on a de nouveau parler de « sanctuariser l’école ».

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois : l’un des premiers à dire que l’école devait être un « sanctuaire », c’est François Bayrou, quand il était ministre de l’éducation nationale, en 96.... Il s’agissait à l’époque de mettre l’école à l’abri de la violence, d’un quartier, d’une cité, voire de la société tout entière. On lui avait beaucoup reproché les connotations religieuses du mot : c’est un reproche assez ridicule, on ne le fait pas à une organisation qui demande qu’on protège le « sanctuaire » des baleines.

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Aujourd’hui on parle plutôt de « sanctuariser » l’école, on emploie plutôt le verbe. Or ce verbe relève d’un usage militaire et il est un décalque de l’anglais où le mot veut dire « protéger » : sanctuariser une région, c’est interdire qu’on y entre.

Mais le mot « sanctuaire » implique quelque chose de beaucoup plus large : un sanctuaire se définit par la barrière qui est autour , mais surtout par ce qu’il y a dedans. Le sanctuaire se définit par son centre : la statue par exemple d’un dieu ou de plusieurs dieux.

L’école ne pourrait au fond être un « sanctuaire » que s’il y avait dedans quelque chose de sacré - évidemment pas au sens religieux du terme. Mais au sens large, où le sacré, c’est le « séparé ». L’école devrait être un « sanctuaire » parce qu’elle abrite en son sein quelques principes qui en font un lieu très particulier dans la société.

  1. L’école accueille des enfants, des adolescents, mais ce n’est pas la famille, en entrant à l’école, l’enfant devient un élève, il se sépare donc, provisoirement, de ses appartenances familiales, communautaires ou religieuses
  1. C’est parce que l’école est un lieu séparé , que l’enfant, l’adolescent, va pouvoir découvrir une communauté tout à fait spéciale qu’il forme avec d’autres. Comme lui, ils sont réunis pour s’instruire, se former.
  1. Un lieu séparé , donc un abri : un enfant, ou un adolescent, c’est une jeune plante qu’il faut protéger de tous les vents mauvais.
  1. Au fond, ce qui fait de l’école un lieu « séparé», c’est qu’elle est un lieu unique dans la société, consacré tout entier à une seule chose : la formation , et à l’apprentissage des savoirs.

Mais si ça n’est plus le cas ? Si l’école c’est un « lieu de vie » comme un autre ? Comment pourrait-il devenir un « sanctuaire » ? Cela n’aurait plus qu’un seul sens : par exemple que la police n’y entre pas sans avoir été appelée par les autorités de l’établissement. C’est déjà ça, mais ça ne suffit pas.

Il est donc juste de dire à propos de la petite Leonarda qu’il faut *sanctuariser * l’école mais il faudrait aussi rappeler ce qu’il y a dans le sanctuaire . De rappeler que la primauté d’un savoir destiné à tous exclut la présence de ce qui n’est pas lui, et qui n’a donc rien à y faire. Comme par exemple, le téléphone portable et - l’intervention trop insistante des parents !

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