Afrique du Sud, Etats-Unis : les traces tenaces de la ségrégation.

France Culture
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Commémorant ce week end la victoire sur l’apartheid en Afrique du Sud, Jakob Zuma et Barack Obama figurent deux Présidents Noirs de pays ayant longtemps connus un ordre juridique et spatial fondé sur la ségrégation raciale.

Deux faits du passé proche rendent ce geste d’autant plus signifiant. D’une part, tout au long de la guerre froide, les USA ont soutenu le régime d’Apartheid en Afrique du sud. D’autre part, sur le territoire américain, la ségrégation raciale n’a été abolie que dans les années 1960.

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La ségrégation vient du latin segregare qui veut dire ‘mettre à part’. La ségrégation comme système politique et juridique sépare dans la sphère et l’espace publics les Blancs des Noirs. Dans la sphère publique d’un tel ordre, seuls les Blancs possèdent des droits et la citoyenneté. L’espace public, quant à lui, obéit à un principe de séparation entre deux types d’endroits : ceux interdits aux Noirs, et ceux dans lesquels leur présence est organisée par le pouvoir blanc.

Dans le cas sud africain, la ségrégation était la clé du voute de l’organisation politique, sociale et économique. Dans le cas étatsunien, elle eut cours dans les anciens Etats esclavagistes du Sud où elle fut l’un des piliers de la culture politique. Dans le cas étatsunien, elle fut localisés dans les anciens Etats esclavagistes du Sud et l’un des piliers, parmi d’autres, de la culture politique. Aux Etats-Unis, les victimes de la ségrégation était une minorité opprimée par la majorité. En Afrique du Sud, l’immense majorité de la population était victime de la ségrégation organisée par la minorité blanche.

25 ans après son abolition institutionnelle et juridique en Afrique du Sud, et 50 ans après son abolition aux Etats-Unis, les traces de la ségrégation sont encore vives. L’égalité des droits et l’accès des individus noirs à la citoyenneté n’ont fait disparaître ni la ségrégation spatiale et sociale, ni les discriminations. Aux USA, leurs formes la plus emblématique est celle des ghettos urbains de centre-ville.

En Afrique du Sud, le régime d’apartheid avait exclus les Noirs des villes en créant de toute pièce les townships . Ces sous-villes dortoirs regroupaient et cantonnaient les familles Noires en périphérie des centres urbains du pays. Les habitants des townships étaient au mieux installés dans des maisonnettes rudimentaires d’une pièce alignées en rang d’oignon. Ironiquement, les habitants les nommèrent matchbox – boite d’allumettes. Les adultes étaient transportés quotidiennement au travail dans les zones industrielles ou dans les villes-centres réservées au Blancs.

Le plus connu de ces township est Soweto. Un million de personnes y vivent. Il est aujourd’hui intégré dans la commune de Johannesbourg,. Depuis 1994, année d’accession de Nelson Mandela à la présidence du pays, les investissements s’y sont multipliés l’accès aux réseaux d’eau, d’électricité, de communication, de transports y a été considérablement démocratisé, comme dans tout le pays. Le Sowetan est le journal le plus diffusé d’Afrique du Sud. Il est accessible en ligne. Le discours prononcé samedi à l’Université de Joburg par Barack Obama l’a été sur le campus de Soweto. Au sein de Soweto, le quartier de Gugulethu, 80 000 habitants, s’embourgeoise : il est investi par la nouvelle classe moyenne noire.

Mais Soweto, comme l’ensemble des township , reste une immense périphérie urbaine sinon déshéritée, en tous cas défavorisée. La nouvelle Afrique du Sud reste un pays très inégalitaire les pauvres y sont presque tous Noirs, et la majorité des Noirs, qui sont 90% des habitants du pays, sont pauvres. Au cœur des villes, les riches s’enferment dans des lotissements résidentiels enclos et murés – les gated communities .

Si l’Afrique du Sud est un grand pays émergent, démocratique et libre, les structures socio-spatiales héritées de la colonisation et de l’apartheid sont loin d’avoir été transformées en profondeur. Leur traces sont tenaces, comme, aux Etats-Unis, celles de la ségrégation héritée de l’esclavage.