AstraZeneca : un vaccin à risque ?

AstraZeneca, un vaccin à risque ?
AstraZeneca, un vaccin à risque ? ©AFP - Fred TANNEAU
AstraZeneca, un vaccin à risque ? ©AFP - Fred TANNEAU
AstraZeneca, un vaccin à risque ? ©AFP - Fred TANNEAU
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Le vaccin AstraZeneca est-il dangereux pour la santé ? C'est la question au cœur des Idées Claires, notre programme hebdomadaire produit par France Culture et franceinfo destiné à lutter contre les désordres de l'information, des fake news aux idées reçues.

C'est l'un des piliers de la stratégie vaccinale de la France et pourtant, il est très fragilisé. Le vaccin AstraZeneca, le troisième vaccin autorisé par les autorités sanitaires en France a du plomb dans l'aile. 

D'abord déconseillé pour les  plus de 65 ans au début du mois de février 2021, le vaccin du groupe suédo-britannique a été suspendu dans de nombreux pays européens, dont la France. Plusieurs cas de coagulation intravasculaire disséminée et de thrombophlébite cérébrale ont été détectés en Europe, donc plusieurs ayant entraîné des décès. 

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Si ces effets secondaires graves représentent quelques dizaines de cas sur des millions de vaccinés, la situation a été suffisamment prise au sérieuse par les autorités sanitaires pour mettre en pause la vaccination. Nous avons demandé à Bénédicte Lebrun-Vignes, pharmacologue, dermatologue et responsable du Centre Régional de Pharmacovigilance des sites hospitaliers Pitié-Salpêtrière Saint-Antoine si le vaccin AstraZeneca était dangereux pour la santé.

Le vaccin AstraZeneca comporte-t-il des risques ?

Bénédicte Lebrun-Vignes : "Ce vaccin en termes de rapport bénéfice risque est sûr, c'est-à-dire que le bénéfice que l'on attend de ce vaccin, aussi bien sur le plan individuel qu’au niveau populationnelle est largement en faveur du bénéfice. On peut donc tout à fait continuer avec ce vaccin. On sait que ces effets indésirables potentiels sont extrêmement rares, s'ils existent. On ne peut pas jeter ce vaccin alors que le bénéfice que l'on attend est très important."

Les autorités ont-elles surréagi en suspendant la vaccination ?

Bénédicte Lebrun-Vignes : "Les autorités sanitaires ont agi en devant la présence de plusieurs cas qui étaient des cas inquiétants en Europe. Les autorités européennes ont réagi parce qu'il y avait un doute. Face à ce doute, il était préférable de stopper la vaccination et étudier de plus près ce qu’on avait comme données. Ces histoires sont survenues chez des personnes jeunes, qui n'avaient a priori pas d'antécédent particulier, pas de facteur de risque de développer ce genre de maladie. Il était normal que les autorités européennes se penchent sur ces cas de façon plus précise."

De quelle maladie parle-t-on ?

Bénédicte Lebrun-Vignes : "Le sujet qui nous intéresse, c'était 7 cas d'une pathologie rare et particulière qu'on appelle la CIVD, la coagulation intravasculaire disséminée. C'est à la fois la présence d'une chute des plaquettes dans le sang et la formation de caillots qui peuvent aboutir à des choses graves, et aussi des thromboses, des caillots dans les veines du cerveau. C’est ce qu'on appelle des thrombophlébites cérébrales. Il y avait 7 cas de CIVD et 18 cas de thrombophlébite cérébrale. C'est très peu de cas, mais ça a touché des personnes assez jeunes et pour lesquelles on n'avait pas vraiment d'autres causes en vue. Elles avaient été vaccinées dans les 15 jours précédents. Il est normal qu'on se pose la question du lien entre la vaccination et ces manifestations."

Peut-on affirmer avec certitude que le vaccin est en cause ?

Bénédicte Lebrun-Vignes : "Ça peut être des maladies rares qui arrivent spontanément, simplement quand on a des cas de décès avec un vaccin, on regarde si c’est le vaccin qui est à l'origine. L'Agence européenne en a tiré les conclusions qu'on ne pouvait pas exclure le rôle du vaccin. Mais en revanche, on n'a aucune certitude sur le rôle de ce vaccin dans ces accidents. On est dans une zone grise et on dit “on ne peut pas exclure” parce qu’il faut prendre toutes les précautions. Le risque est extrêmement faible. On a très peu de cas. On continue à surveiller ça et on informe la population et les professionnels de santé qu'il peut y avoir ce type de manifestations. Elle sont exceptionnelles, mais il faut impérativement le savoir pour pouvoir éventuellement en détecter d'autres."

Pourquoi n’a-t-on rien vu lors des essais cliniques ?

Bénédicte Lebrun-Vignes : "Les essais cliniques ont évidemment été réalisés avec ces vaccins comme avec les autres, même si tout a été très rapide. Mais dans ces essais cliniques, il y a quelques milliers de personnes qui ont été incluses, certes bien surveillées. Mais quelques milliers, cela ne permet pas d'observer des effets indésirables très rares, potentiellement graves. On va éventuellement voir émerger ces effets très rares au moment de la mise sur le marché, avec l'exposition d'un nombre beaucoup plus important de personnes à ses nouveaux produits."

A-t-on vu des cas similaires avec les autres vaccins ?

Bénédicte Lebrun-Vignes : "On continue à surveiller parce qu'on n'en est finalement qu'au début. On est dans l'attente de voir comment les choses vont évoluer. Mais on ne peut pas dire que les autres vaccins n'ont pas d'effets indésirables. On a identifié des choses qui sont apparues au fil du temps, aussi bien avec Pfizer qu'avec Moderna. Ce dernier est nettement moins administré pour le moment. Avec le vaccin Pfizer, on a vacciné une population différente. En France, on a vacciné avec Pfizer les résidents des Ehpad qui ont été les premiers concernés. Il s’agit d’une population un peu particulière de personnes âgées, avec beaucoup de pathologies et donc des décès attendus. Après, notre travail est de rechercher s'il y a un lien entre les événements qui peuvent survenir de type décès et la vaccination. En tout cas, aujourd'hui, avec le vaccin Pfizer, nous n'avons pas d'inquiétude particulière en termes d'effets graves, en termes de surcroît d'effets indésirables graves."

Pourquoi réserver le vaccin d’AstraZeneca aux personnes de plus de 55 ans ?

Bénédicte Lebrun-Vignes : "Dans les cas qui sont remontés à l'Europe, cela ne concernait que des personnes de moins de 55 ans. Il s’agit donc d’une décision de précaution. Peut-être que cette décision évoluera avec le temps, je ne suis pas sûre qu'elle persiste dans les semaines qui viennent, une fois qu'on aura les idées un peu plus claires et qu'on aura continué à surveiller comment ça se passe dans la population française et européenne."

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