L’élection américaine a-t-elle été truquée ?

L’élection américaine a-t-elle été truquée ?
L’élection américaine a-t-elle été truquée ?  ©AFP
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L’élection américaine a-t-elle été truquée ? ©AFP
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Est-ce qu'il y a eu fraude durant l'élection américaine comme l'affirme Donald Trump et ses partisans ? C'est la question au cœur des Idées Claires, notre programme hebdomadaire produit par France Culture et franceinfo destiné à lutter contre les désordres de l'information, des fake news aux idées reçues.

Après l'invasion du Capitole par ses partisans, Donald Trump a fini par concéder qu'il accepterait que la passation de pouvoir se déroule sans encombres le 20 janvier prochain, sans toutefois y participer. 

Néanmoins, le président sortant continue d'accuser le camp démocrate de fraudes massives et convainc ses partisans que l'élection américaine leur a été volée. Mais quelles sont exactement ces accusations de fraudes ? Sur quels arguments s'appuient le camp Trump lorsque de très nombreux observateurs y compris dans le camp républicains reconnaissent la légitimité de la victoire de Joe Biden ?

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Sylvain Cypel, journaliste pour l'hebdomadaire "Le 1" et spécialiste des États-Unis répond à nos interrogations. 

L’élection américaine a-t-elle été truquée ?

Sylvain Cypel : "On peut toujours truquer une élection, elle aurait pu l'être, mais elle ne l'a pas été. C'est-à-dire que cette élection-là, visiblement, a été tout à fait légitime. Le seul recompte qui a eu lieu a été en Géorgie et en Géorgie une fois qu'il y a eu un décompte, le nombre de voix dont bénéficiait Biden était supérieur de 6 000 votes à celui que Donald Trump contestait. Donc très, très clairement, il n'y a pas eu de fraude. Il a pu y avoir, comme il y a toujours dans des élections, des fraudes mineures ici ou là mais il n'y a absolument pas eu la fraude massive et organisée que Trump prétend dénoncer."

Sur quels arguments s’appuie Trump pour dénoncer une fraude ? 

Sylvain Cypel : "Je crois qu'il faut séparer deux choses, la raison pour laquelle les partisans se mobilisent, c'est-à-dire l'idée de la fraude et puis les arguments eux-mêmes, le principal argument est de considérer que la plupart des votes par correspondance qui ont été massivement favorables aux démocrates sont illégaux. D'ailleurs, ils les appellent des votes illégaux, ils ne précisent pas quels sont ces votes illégaux, mais ce sont des votes illégaux. Alors, il faut dire qu'à chaque fois que cet argument a été présenté devant un tribunal et à chaque fois qu'il a été vérifié par un tribunal, quels avaient été ces votes et quelle était la marge d'erreur, eh bien, les tribunaux ont systématiquement retoqué l'argumentaire des avocats de Trump. Après, ce qui est intéressant, c'est de savoir pourquoi les gens qui soutiennent Trump ont besoin de croire et de le croire très sincèrement et très profondément que cette élection a été truquée et ça, on rentre dans un autre domaine qui n'est pas l'explication : 'Est-ce qu'il y a trucage ou pas ?' Mais de tout ce qui touche à la théorie du complot et à l'idée fondamentale que Trump avait gagné et qu'on l'empêche de gagner."

Les lobbies progressistes ont-ils pu influencer les juges ? 

Sylvain Cypel : "S'il y a un domaine, de politique intérieure, où Trump a vraiment eu un impact réel, il en a plusieurs mais s'il y en a un où c'est absolument dominant c'est dans la réorganisation de la justice américaine. Il est le président qui, en quatre ans, a nommé trois juges ultra conservateurs à la Cour suprême, ce qui ne s'était pas vu depuis des décennies, trois d'un coup en l'espace de quatre ans. Mais surtout, il a aussi nommé 230 juges fédéraux. Ce qui est stupéfiant, c'est que tous les gens qu’il a nommés étaient évidemment des gens qui sont conservateurs, républicains et si possible républicains de la droite la plus radicale. Or, ce sont eux qui ont tous ont rejeté ces arguments. Donc, l'idée qu'il y a une sorte de collusion entre la classe politique, les médias, Hollywood et les juges est une idée complètement délirante."

Trump affirme qu’il ne lui manquait que 30 000 voix…. 

Sylvain Cypel : "Cette idée-là, elle participe de la théorie du complot. Il lui manquait 30 000 ici, 30000 voix là-bas. D'abord, il y a deux choses dans cet argument qui sont importantes. La première, c'est quand même que ces gens disent que même s'il y a 7 millions de voix de différence, on s'en fout. Donc ça c’est problématique sur le plan politique, pas sur le plan de l'argumentaire. La dernière fois, Clinton n'a pas contesté car même si elle avait 3,5 millions de voix en plus, de facto, Trump avait plus de grands électeurs, elle n'a pas contesté. Mais là, il y a une contestation de la réalité des 7 millions, à plusieurs reprises, Trump a même contesté le fait qu'il a perdu 7 millions de voix et que tout cela est faux."

Cette fin de mandat de Trump a-t-elle abîmé la démocratie américaine ? 

Sylvain Cypel : "Je suis partagé sur cette question parce qu'évidemment, Trump a donné une image tout à fait inédite de l'Amérique. Ce qu'il faut comprendre, c’est que moi, j'ai fait partie des gens, par exemple, quand il a été élu qui ont pensé : "Bon, il est foutraque, mais en même temps, quand même, la démocratie américaine a des bases suffisamment solides pour l'empêcher d'agir.' Globalement, il s'est avéré que non. Il a révélé plus qu'il n'a agi, mais ce que je veux dire, c'est qu’évidemment, il a donné une image absolument détestable de l'Amérique et de sa démocratie, de son fonctionnement et évidemment, ses partisans, en marchant sur le Capitole, ça a été le summum de cette image détériorée de la démocratie américaine. Mais en fait, cette image a commencé à se détériorer depuis longtemps. La détérioration de la démocratie américaine n'a pas commencé avec Trump. Il a aggravé les choses, mais ça a des racines très profondes."

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