Et si l'ostéopathie n'était qu'un placebo ? C'est la question au cœur des Idées Claires, notre programme hebdomadaire produit par France Culture et franceinfo destiné à lutter contre les désordres de l'information, des fake news aux idées reçues.
Une équipe de l’hôpital Cochin a mené une recherche sur l'effet de l'ostéopathie sur 400 patients souffrant de lombalgie. Les participants ont bénéficié de six séances de manipulations ostéopathiques ou de six séances de manipulations placebo à raison d’une séance toutes les deux semaines, pendant trois mois.
Les résultats sont parus dans la revue JAMA le 15 mars 2021 et montre que l'ostéopathie n'aurait pas plus d'effet qu'un placebo...
On voit cela avec le professeur François Rannou, chef du service de médecine physique et de réadaptation à l'hôpital Cochin et dirigeant d'une équipe à l'Inserm de la faculté des Saints-Pères, en charge de l'étude.
L'ostéopathie, ça ne sert à rien ?
François Rannou : "La question n’était pas : “Est-ce que l’ostéopathie sert à quelque chose ou pas ?”. On a comparé l'ostéopathie chez les gens qui ont mal au dos depuis plus de 6 semaines à un placebo et on montre qu'il n'y a pas de différences entre les deux. En gros, les deux améliorent les patients, mais il n'y a pas de différences cliniquement pertinentes entre les deux groupes."
Comment l’étude a été faite ?
François Rannou : "On a fait deux groupes de 200, on a tiré au sort, un essai classique. Dans un, on leur a fait des séances d'ostéopathie tous les quinze jours pendant trois mois. Et puis dans l'autre groupe, ils avaient l'équivalent d'un placebo, c'est-à-dire qu'au lieu d'avoir une vraie manipulation, il y avait juste un contact cutané avec les mains de l'ostéopathe. "
Quels sont les résultats ?
François Rannou : "En général, quand on fait des études sur les faits, soit d’un médicament, soit d'une thérapeutique non pharmacologique dans les maladies de l'appareil locomoteur, on regarde trois choses. On regarde la douleur, est-ce qu'on a mal ou pas ? Ou moins mal ou plus mal ? La fonction en gros c’est, qu'est ce qu'on peut faire ? Et la qualité de vie, est-ce qu'on a perdu ou pas en qualité de vie ? Là, on a montré que sur la douleur, il n'y avait pas de différences du tout entre les deux groupes, la qualité de vie non plus. Par contre, sur la fonction, il y a une petite différence entre les deux groupes en faveur du groupe ostéopathie. Mais cette différence n'est pas ce que l'on appelle cliniquement pertinente, c'est-à-dire que c'est une différence qui est tellement faible qu'on considère qu'elle n'a pas d'existence clinique."
L’ostéopathie, c’est juste craquer le dos ?
François Rannou : "Ce n'est pas juste faire craquer les os... On peut revenir au début, au début de l'ostéopathie... C'était M. Still, au 19e siècle, rappelons qu'à cette époque-là, Claude Bernard n'existait pas encore et donc, la médecine était totalement empirique et il se trouve qu'il y a eu un empirisme de plus qui était justement d'aller de se servir de l'appareil locomoteur et du système nerveux, notamment au niveau de la colonne vertébrale qui passe dans ses vertèbres pour essayer d'améliorer le patient sur un certain nombre de maladies."
Quelle est la différence entre l’ostéopathie et la kinésithérapie ?
François Rannou : "Ce n'est pas du tout la même chose. La kinésithérapie est exercée par des kinésithérapeutes, qui sont des professions paramédicales qui ont, aujourd’hui, un cursus universitaire avec licence 1, 2, 3, Master alors que les ostéopathes, qui ne sont pas kinésithérapeutes ou médecins, ont eux une formation qui est non-universitaire. Ce n'est absolument pas délivré par l'université. Des écoles privées délivrent un diplôme à la fin de cet enseignement qui n'est absolument pas contrôlé par l'université en termes en tout cas qualitatif."
Combien est-ce qu'il y a d'ostéopathes en France et comment expliquer ce succès considérable ?
François Rannou : "Je pense qu'on est aux alentours de 35.000 à peu près, c'est un succès uniquement français. C'est une anomalie, ça n'existe pas ailleurs. En Allemagne, je crois qu'il y a 200 ostéopathes. Il y a plein de pays où ça n'existe pas, la plupart d'ailleurs. Il n'y a qu'en France que ce phénomène existe, alors qu'il y avait de la médecine ostéopathique avec Robert Maigne et puis les kinésithérapeutes qui faisaient l'ostéopathie jusque dans les années 2000. Et en 2003, pour des raisons honnêtement qui nous échappent complètement, tout d'un coup, un décret est tombé comme quoi on reconnaissait une compétence ostéopathique à des gens qui n'avaient pas fait d'études médicales ou paramédicales. Vous voyez, je ne veux pas dire de bêtises, en Grande-Bretagne, c'est très différent parce que c'est la loi coutumière. Tout le monde peut être thérapeute, c'est comme ça, on a le droit et c'est dans leur histoire et dans leurs coutumes. L'Angleterre est un petit peu à part et là-bas, les ostéopathes sont des professionnels de santé avec une formation, une formation de haut niveau. Sinon, aux États-Unis, la plupart, ce sont des médecins."
Mais si mon ostéopathe me fait du bien, c'est le principal non ?
François Rannou : "C'est assez important, c'est fondamental et vous l'avez bien dit, s’il me fait du bien, on est dans le bien-être, on est pas dans la médecine et moi, je n'ai aucune compétence dans le bien être, d'accord. Le bien être, c'est quoi ? C'est d'aller chez son coiffeur, chez son esthéticienne, d'aller voir son coach sportif et de faire faire de l'activité physique. Etc. Etc. Moi, tant que l'ostéopathie se cantonne au bien-être, il n'y a aucun problème. Et d'ailleurs, il y a énormément d'ostéopathes qui s'y cantonnent, il y en a énormément. Il y en a quelques-uns qui jouent un petit peu et même beaucoup de la confusion et ça, c'est ça que je refuse. Pour moi, en fait, si vous voulez, et ce n'est pas que l'ostéopathie, ce sont les médecines complémentaires en général, l'homéopathie, l’ostéopathie, la chiropractie, l'acupuncture et la dernière ça doit être la sophrologie je crois, si vous voulez, c'est que pour moi, déjà, le terme médecine est inapproprié, c'est vraiment une prise en charge, un accompagnement mais la base, le socle, c'est : est-ce que oui ou non, mon patient a une maladie ? Si oui, il doit avoir un diagnostic médical, un traitement médical et ensuite, à ce moment-là, on peut également utiliser ces médecines complémentaires."
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