Directoire franco-allemand : état des divergences

Directoire franco-allemand : état des divergences
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La crise des dettes publiques, devenue celle de l’euro, menace de s’aggraver au point de menacer la fragile reprise mondiale. Sa résolution dépend, nous dit-on d’une entente au sommet, au sein du directoire franco-allemand, puisque les institutions communautaires sont hors-jeu. Les discussions butent sur des désaccords au sein du couple. Tentons de voir ce qui coince et pourquoi.

Il y a d’abord le niveau du défaut grec. Paris, qui a tout fait pour retarder la faillite de la Grèce, aurait voulu que le « défaut sélectif » d’Athènes soit limité à une décote de 20 % des obligations de l’Etat grec. C’est le montant sur lequel on s’était mise d’accord en juillet. Mais depuis, la situation de la Grèce a encore empiré, avec une dette qui s’envole et a déjà atteint 162 % du PIB. Afin de la ramener à un taux supportable, les Allemands estiment que la « restructuration ordonnée » (j’adore ces euphémismes) doit porter sur au moins 50% des dettes grecques, voire davantage. Une quasi-faillite.

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La France, dont les banques détiennent environ 10 milliards d’obligations souveraines grecques, rétorque que la mise en faillite de Lehman Brothers a entraîné une effet domino qui a failli mettre en l’air tout le système financier mondial. En cas de faillite grecque, la suspicion des marchés s’étendrait aux emprunts italiens et espagnols, dont les taux s’envoleraient. L’euro serait menacé.

C’est la thèse allemande qui semble l’emporter.

Qui va payer pour ce défaut grec ? Là encore, Français et Allemands divergent. Berlin veut mettre à contribution les banques. Ils ont spéculé sur ces titres qu’ils savaient pourris qu’ils sacrifient leurs dividendes et leurs bonus. Paris, qui craint pour les siennes, voudrait que le Fonds européen de stabilité financière soit largement mis à contribution. Pour le reste, seul, le financement public permettra aux banques d’atteindre le ratio de 9% de fonds propres dorénavant exigé par les accords de Bâle III. Ce n’est pas au contribuable de payer l’addition, dit-on côté allemand.

Sur le Fonds européen de stabilité financière, il y a aussi divergence. Sarkozy voulait le transformer en une banque habilitée à emprunter auprès de la Banque Centrale Européenne. Ainsi pourrait-il emprunter tout l’argent nécessaire au renflouement des Etats surendettés à une BCE, transformée en une machine à fabriquer de la monnaie. Les Allemands, que leur histoire a vaccinés contre l’inflation, entendent limiter le FESF au rôle d’assureur. Banco, répondent les Français, mais en suggérant que cet assureur joue de l’effet de levier en ne garantissant que les 10 ou 20 % des obligations d’Etat les plus risquées. Cela aurait mathématiquement pour effet de faire baisser la pression des marchés sur les dettes publiques en multipliant la puissance de feu du FESF. Un jeu dangereux, aux yeux des Allemands, suivis en cela par les Italiens et les Espagnols, qui préfèreraient porter à un, voire deux milliards les ressources du Fonds. Est-il raisonnable de soigner une crise de la dette de certains par un endettement supplémentaire de tous, font remarquer les Allemands, dubitatifs.

Les Allemands désapprouvent nettement le rachat d’obligations souveraines de pays aux finances en crise par la BCE. Ces « mesures non conventionnelles » ont certes pour effet immédiat de faire baisser les taux auxquels les pays surendettés trouvent à boucler leurs fins de mois, mais cela ne les encourage pas à entreprendre les réformes de structure que nécessite leur retour à la raison… Cf. le cas de l’Italie, renflouée cet été, et qui en profite pour mettre le frein sur les réformes.

Car les discussions butent enfin sur l’essentiel : Allemands, Hollandais, Autrichiens et Finlandais entendent bien contraindre les cigales dépensières du Club Med à se réformer dans le sens qui a bien réussi aux fourmis nordistes. Faudra-t-il nommer un Commissaire européen au budget chargé de veiller à l’orthodoxie dans chaque pays ? Priver les récalcitrants de leurs fonds structurels ?

Car la morale de notre histoire, c’est que celui qui paie contrôle. Et ceux qui paient, aujourd’hui, ce sont les Allemands. Comme leur Parlement refuse qu’on persiste à verser l’argent des contribuables dans le sable, ce ne sera pas sans contreparties. A bon entendeur….

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