A quoi jouent les Femen, cette petite bande de jeunes Ukrainiennes, qui se sont fait connaître chez elles par des actions symboliques, comme la découpe d’une croix de bois à la scie électrique, et qui tentent à présent de se muer en Internationale féministe de 3° génération , à partir de leur antenne parisienne ? Comme beaucoup de gens, j’avoue ma perplexité.
C’est que, contrairement à ce qu’elles ont l’air de penser, la situation des femmes et les problèmes qu’elles rencontrent ne me paraissent pas exactement de même nature, qu’on vive à Kiev, à Paris, ou à Tunis.
Dénoncer les trois monotéhismes comme responsables de la relégation des femmes, c’est supposer que tout va pour le mieux dans les pays qui ne pratiquent aucun d’entre eux , que la condition des femmes étaient idéales avant les successives « révélations » de leurs prophètes respectifs. Ce qui n’est pas le cas.
Quant aux slogans, criés en anglais, tels que « nudity is freedom », « poor because of you », « freedom for political prisoners », ou encore « In gay we trust », s’ils permettent de réduire les revendications à un plus petit dénominateur commun, ils sont assez vagues et, dans le contexte français, parfois à côté de la plaque : contrairement à l’Ukraine, ou à la Russie, la France n’a pas de prisonniers politiques…
Chez nous, il n’y a pas non plus de religion privilégiée par le pouvoir, entretenue par lui et lui apportant, en échange son concours politique, comme c’est le cas des Eglises orthodoxes de Russie et d’Ukraine. Provoquer les fidèles dans un lieu de culte, comme l’ont fait les Femen, à la cathédrale Notre-Dame, prend donc un sens très différent de celui qu’il trouve à Kiev. Il faudrait leur expliquer, comme l’a fait Lydia Guirous sur le site du Huffington Post, où elle traite le mouvement de «** fasciste, provocateur et insolent** », que la France est une République laïque. Ce qui signifie, explicite la présidente du club féministe Future, au féminin, que l’Etat, en ne privilégiant, ni n’entretenant aucune religion, favorise, entre elles, une tolérance dont nous nous portons bien .
Car enfin, le drame des filles de l’est, c’est l’industrie du sexe et la prostitution – un véritable trafic d’esclaves, qui ne semble pas émouvoir les responsables européens le combat des femmes d’Europe occidentale est plutôt motivé par les inégalités persistantes de statuts et de revenus celui des femmes dans les pays arabes vise à faire refluer l’intégrisme islamiste, qui menace les maigres acquis des périodes de modernisation séculariste. Si le communisme pouvait prétendre unifier les prolétaires de tous les pays en une seule Internationale, n’est-il pas quelque peu **artificiel de chercher à rassembler sous une seule bannière, les revendications des femmes de toute l’humanité ** ?
Bien sûr, on ne peut manquer d’admirer le courage de ces jeunes filles qui vont défier sur place, le dictateur biélorusse Lukashenko , et le paient d’un simulacre d’exécution en guise de billet de retour. D’admirer cette jeune Egyptienne qui, au péril de sa vie, a mis sur les réseaux sociaux une photo d’elle nue, afin de défier les islamistes.
Mais il reste cette gêne, face à l’usage politique de la nudité de la part des Femen. Comme le montre le film tourné, à leur gloire, par Caroline Fourest, d’autres féministes se sont servi de cet argument dans l’après-68. Mais elles ne se maquillaient pas, elles ne s’épilaient pas, elles veillaient à ne pas jouer sur la corde du sex-appeal , à ne pas se transformer en « poupées enragées », pour citer à nouveau Lydia Guirous. Couronnes de fleurs et seins nus, à force de jouer avec les poncifs de « l’éternel féminin », avec les mythologies croisées de la vierge de village et de la go-go girl, servez-vous vraiment la cause des femmes, ou plutôt celle de la société du spectacle ?
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