Longtemps, on a soupçonné les partisans d’une Europe fédérale de chercher à affaiblir l’autorité des Etats membres, en soutenant, contre eux, les aspirations régionalistes. Le droit communautaire accorde d’ailleurs aux régions et provinces de larges possibilités d’autonomie. Mais la sécession de l’Ecosse ne serait pas une bonne nouvelle pour l’Union européenne. Pourquoi ?
Parce qu’elle donnerait l’image d’une Europe rongée de l’intérieure par le localisme, menacée d’émiettement . Parce qu’elle apporterait la démonstration que l’Etat-nation le plus anciennement démocratique du continent, la Grande-Bretagne, pourtant doté d’un régime très décentralisé (l'Ecosse possède déjà son propre Parlement), n’a pas été capable de régler politiquement le problème posé par un micro-nationalisme.
Ce serait une mauvaise nouvelle, parce que cela déclencherait un effet domino dévastateur . La fièvre indépendantiste est déjà brûlante en Catalogne on ne voit pas au nom de quoi l’Espagne pourrait lui refuser l’autorisation de sortie ou la Belgique, l’indépendance de la Flandre . Et il existe quantité d’autres particularismes en Europe, qui, se croyant plus prospères que les régions voisines, pourraient être tentées, elles aussi, par le grand saut dans l’indépendance…. Quel meilleur argument, ainsi, pour la « Padanie », cette nation imaginée de toutes pièces par la Ligue du Nord italienne ? Et pourquoi pas, demain, un Etat bavarois indépendant de l’Allemagne ? La France elle-même aurait tort de se croire à l’abri : une revendication nationaliste au pays basque espagnol aurait nécessairement un écho de l’autre côté des Pyrénées….
En Europe centrale et dans les Balkans, toute sorte de minorités nationales n’hésiteraient plus à réclamer des modifications de frontières et des statuts particuliers. L’Europe serait en morceaux. Une puissance en devenir comme l’UE ne saurait rivaliser avec des empires tels que la Chine ou l’Inde, en se contenant d’agréger quantité de petits Luxembourgs . Une telle perspective doit faire bien rire Vladimir Poutine, chef tout-puissant d’une nation qui s’étend sur 9 fuseaux horaires.
L’Europe a été le laboratoire mondiale d’une formule politique d’avenir, celle de l’Etat-nation, la France révolutionnaire, l’inventrice du nationalisme inclusif . Nous ne saurions remonter le cours de l’histoire, en en revenant à la formule de la cité-Etat italienne du Moyen Age.
Sans compter l’effet sur l’ex-Royaume Uni lui-même : non seulement, l’un des trois plus grands pays de l’Union européenne se verrait considérablement affaibli, mais la sécession de l’Ecosse serait une aubaine considérable pour les partisans de la sortie de l’UE, le Brexit, déjà assurés d’une majorité en Angleterre même.
Enfin, les Ecossais doivent comprendre qu’en cas de sécession, leurs chances d’adhésion à l’Union européenne sont des plus minces : le processus d’adhésion, qui prend deux à trois ans, exige l’unanimité du Conseil européen et la ratification par les Parlements de tous les Etats-membres. Et j’ai du mal à imaginer que l’Espagne ou la Belgique y soient favorables… Sans oublier le Royaume-Uni lui-même, qui s’appellerait alors Royaume Désuni ou tout simplement Royaume d’Angleterre. En arriver là quand on a gouverné le Canada, les Indes et l’Australie….
Les Ecossais se demandent si l’indépendance, ce serait bon pour l’Ecosse, moi j’aimerais que nous nous demandions si l’indépendance de l’Ecosse, ce serait bon, ou non, pour l’Union européenne ?
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