Selon la patronne (française) du Fmi ces 2 décisions sont primo la décision prise par la FED de remiser le bazooka monétaire, celui qui a ranimé l’économie mondiale après la crise des subprimes. Secundo, le fait que la Chine entame sa transition vers un modèle économique très différent de celui qui lui a valu son fantastique décollage. Elle ne veut plus être l’atelier de la planète, mais se muer en une économie de service . Sans se détourner des marchés mondiaux, elle entend satisfaire davantage la consommation intérieure et améliorer le quotidien des Chinois.
C’est cette transition qui déprime les cours des matières premières et affecte les pays qui dépendent de leur exportation, comme le Brésil. C’est elle aussi qui cause la dépréciation continuelle du yuan , qui fait du tort à nos exportations. Certes, cette évolution était souhaitable, mais l’exercice est périlleux pour la Chine elle-même. C’est pourquoi la nouvelle direction du Parti communiste chinois entend compléter ce tournant par une initiative stratégique d’une très grande ambition. C’est le projet OBOR ( One Belt, One Road , une ceinture, une route).
Il s’agit de retrouver les anciens chemins de la «** route de la soie** », tant terrestres que maritimes. De relier, au Nord et par les terres, la Chine à l’Europe, du Pacifique à la Baltique, en traversant l’Asie centrale. Au Sud, les grands ports de Quanzhou et de Guangzhou à la mer rouge, via l’Indonésie, le Sri Lanka, Oman. La décision récente d’installer une base navale à Djibouti est l’un des éléments de cette stratégie en « **collier de perles ** ». C’est pour financer les infrastructures colossales impliquées par ce double projet que Pékin a monté la Banque asiatique d’investissements.
Dans le cas de la « route » maritime, ces grands ambitions chinoises rencontrent déjà de fortes résistances dans les pays limitrophes. La Chine est en train de devenir une grande puissance militaire navale et ses prétentions à contrôler le trafic en mer de Chine méridionale heurte les intérêts de pays tels que le Japon, le Vietnam et les Philippines.
Si la « ceinture » terrestre semble, pour l’instant, poser moins de problèmes géostratégiques, les Chinois auraient tort de croire que l’implantation de voies de chemin de fer dans les pays d’Asie centrale pourra se faire de manière aussi ordonnée que l’a été le développement accéléré des infrastructures en Chine même. C’est ce que soutient Francis Fukuyama dans un article paru hier. « Jusqu’à présent », écrit-il, la croissance basée sur les infrastructures a bien fonctionné en Chine parce que les autorités chinoises sont en mesure de contrôler l’environnement politique. Cela ne sera pas le cas à l’étranger, où l’instabilité, les conflits et la corruption interfèreront avec les objectifs de la Chine. »

Mais si la Chine réussit son pari, qui consiste à réorganiser le processus de mondialisation à son profit et à en occuper le centre , si elle parvient à délocaliser ses chaînes de production, en reliant entre eux ses divers ateliers, elle disputera aux Etats-Unis leur actuelle centralité. Pour citer à nouveau Fukuyama, « Au lieu d’être à la périphérie de l’économie mondiale, l’Asie centrale en deviendrait le centre ». Politiquement, cela renforcerait considérablement le mode de gouvernement autoritaire qui a permis à la Chine d’atteindre, en très peu de temps, un poids économique égal à celui des Etats-Unis.
C’est bien à une course de vitesse entre Pékin et Washington pour le pilotage de la mondialisation auquel nous assistons. Comme l’a expliqué, hier, barack Obama, dans son ultime Discours sur l’état de l’Union. Comme à toutes les époques de l’histoire, le système politique du vainqueur, conforté par son succès, s’imposera plus ou moins au reste du monde. Oui, dans l’avenir, ce ne sont plus seulement ses produits manufacturés que la Chine va chercher à exporter, mais bien son modèle, politique et social. Il séduit déjà de nombreux peuples du Sud. Aux dépends du nôtre. Et il vaut mieux le savoir.
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