Le déclin des partis de gouvernement est général

France Culture
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La France n'en a pas le monopole. Mais quelles sont ses causes ?

Ainsi, le 22 mai prochain, au 2° tour des élections présidentielles, les électeurs autrichiens auront le choix entre un candidat nationaliste, Norbert Höfer et un autre, écologiste, Alexander van der Bellen. Plus révélateur encore : les candidats des partis social-démocrate (SPÖ) et de centre-droit chrétien-démocrate (ÖVP), qui gouvernent le pays dans le cadre d’une grande coalition, à l’allemande, ont été balayés. Ensemble, les deux partis dits « de gouvernement » totalisent… 22 % des suffrages. La vie politique autrichienne, comme celle de nombreux pays européens, était pourtant rythmée par leur alternance au pouvoir. Et si c’était un cas isolé…

On se souvient qu’en Grèce, le PASOK et la Nouvelle Démocratie se sont effondrés. Il est vrai, dans des conditions autrement plus tragiques que celles que connaît la prospère Autriche, avec son niveau de vie par habitant bien supérieur à celui de la France : elle occupe à cet égard le 15 ° rang mondial, nous le 21 °...

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En Espagne, si le parti de centre-droit, le PP, a gagné assez nettement les dernières élections législatives de décembre, avec 28 % des voix, il ne peut pas gouverner seul. Et les nouveaux venus de Podemos, avec 20 %, menacent les sociaux-démocrates du PSOE, qui n’en obtiennent plus que 22. Les libéraux de Ciudadanos grignotent, de leur côté, les voix du PP. Vous en voulez encore ?

Pour la première fois, les sondages donnent une courte majorité aux partisans du Brexit (46 % contre 44 % au maintien dans l’Union européenne, lors du référendum du 23 juin. En Allemagne, la progression spectaculaire du tout nouveau parti Alternativ für Deutschland inquiète la CDU de Merkel.

Il y a un malaise politique en Europe. Pas spécialement un malaise social : l’économie des pays du Nord se porte bien et leur chômage est faible. Les commentateurs paresseux disent : « montée du populisme ». Ayant ainsi mis un nom sur le problème, ils s’en croient quittes. Où est le problème ?

Il y a les causes conjoncturelles : crise des migrants, pilotage de l’euro par la seule BCE, négociations commerciales opaques avec les Etats-Unis, menaces de Poutine, chantages d’Erdogan… les dirigeants européens donnent l’impression de subir les événements. De n’en avoir anticipé aucun, d’avoir perdu le contrôle. Et de n’avoir aucun horizon politique à proposer.

L’Europe, à laquelle nous avons délégué nombre de nos compétences étatiques, était censée nous protéger ; elle apparaît impuissante et débordée. Au point d’aller confier son destin au sultan d’Ankara ; tandis que nos fameux « populistes », eux, louchent vers Poutine. « Voilà des hommes qui savent décider », disent-ils.

Mais il y a des causes structurelles. Le politologue Pierre Martin, dans un article remarqué publié dans la revue Commentaire, a analysé « le déclin des partis de gouvernement ». Chiffres en main, il démontre un déclin électoral symétrique de social-démocratie et de la droite modérée en Europe occidentale à partir des années 70. Globalement, à l’échelle de l’Europe occidentale, le rapport gauche/droite n’a guère évolué en 7 décennies. Mais à gauche, les écologistes ont conquis un espace relativement important. A droite, ce sont les mouvements radicaux, généralement nationalistes, qui ont entamé une progression continuelle à partir des années 1990.

Quelles sont les causes de ce déclin général des grands partis de gouvernement ? Pierre Martin propose deux pistes : primo, un accroissement des attentes envers un Etat-providence qui avait su se montrer de plus en plus généreux et qui ne parvient plus à satisfaire les demandes. Il n’en a plus les moyens pour cause de croissance faible. Parce que ces attentes, relayées par des lobbies, sont devenues trop contradictoires entre elles. Forcé d’arbitrer entre les unes et les autres, l’Etat est condamné à décevoir.

Secundo, le niveau d’instruction s’étant élevé, les citoyens, les jeunes en particulier, réclament davantage de transparence dans la prise de décision et une participation accrue à celle-ci. Les gens ont le sentiment que la politique a été confisquée par des « machines » électorales, par des professionnels cyniques et dépourvus de vision à long terme, comme d’ancrage historique et culturel.

Cela crée dans l’opinion de fortes attentes. Et cela déstabilise les acteurs en place. Sommes-nous déjà entrés en crise de régime ? Ou un renouvellement du casting, qui se met déjà en place, suffira-t-il à calmer un électorat qui s’impatiente ?

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