Le 8 mars, à 0 h 41, décollait de Kuala Lumpur un Boeing 777 de la compagnie Malaysia Airlines, en direction de Pékin, avec 239 passagers et membres d’équipage à bord. A 1 h 30, alors que l’avion quitte la zone aérienne malaisienne, pour pénétrer dans l’espace aérien vietnamien, le co-pilote prend congé des contrôleurs aériens de Kuala Lumpur et leur souhaite une « bonne nuit ».
Aussitôt après,** les systèmes de communication de l’appareil sont déconnectés** et le transpondeur – qui transmet en permanence des informations sur la position de l’appareil – est désactivé. Il aurait dû émettre une demi-heure plus tard. Il ne l’a pas fait. L’avion disparaît alors complètement des écrans radars civils. On apprendra plus tard qu’il a changé aussi brusquement de cap , se dirigeant alors vers l’ouest et qu’il continuera de voler durant encore 7 heures, épuisant ses réserves de carburant, avant d’aller s’écraser dans l’océan Indien, à 2 000 km de Perth, en Australie. Une des régions les plus inhospitalières de la planète, parcourue par des courants violents et des vents puissants. Ainsi commence l’un des plus grands mystères de l’aéronautique contemporaine. « Les recherches vont se poursuivre, déclare le porte-parole de Malaysia Airlines, car** nous cherchons des réponses aux questions en suspens** . »
Car des mystères, il en demeure beaucoup dans cette affaire.
Pourquoi la compagnie nationale malaisienne a-t-elle **distillé au compte-goutte les informations qu’elle acquérait ** ? C’est le 14 mars, six jours après les faits que le premier ministre de Malaisie, Najib Razak, révèle que les appareils de communication de l’avion ont été « délibérément désactivés ». Le New York Times prétend savoir que le changement de trajectoire résulte d’une modification du système informatisé , modification effectuée par une personne présente dans le cockpit, maîtrisant parfaitement ce type d’appareil. 7 ou 8 frappes auraient été relevées sur le clavier de cet ordinateur. Qui a délibérément dévié l’avion de son vol et surtout dans quel but ? Comment expliquer que la police des frontières et les douanes de ce pays aient laissé embarquer deux ressortissants iraniens, porteurs de passeports européens volés en Thaïlande ? Comment expliquer qu’à une époque où les satellites d’observation sont capables de déceler le déplacement d’objets d’un mètre, il ait fallu 17 jours de recherches à 25 pays pour découvrir de vestiges du vol MH370 de Malaysia Airlines ? Pourquoi les autorités malaisiennes n’ont communiqué aucune information aux familles des passagers durant les 15 heures qui ont suivi la disparition du Boeing ?
Nous attendons vos lumières, mais relevons d’emblée que le gouvernement de Kuala Lumpur est connu dans toute l’Asie pour sa manie du secret,** le degré d’opacité qui entoure un pouvoir qui est demeuré dans les mêmes mains depuis l’indépendance, en 1957** . Depuis cette date, en effet, la coalition Barisan Nacional a gagné toutes les élections. La stabilité du pouvoir, dans ces conditions, est parfaite : 6 premiers ministres seulement en 57 ans – calculez vous-même combien nous en avons essoré nous-mêmes durant la même période. Mais la contrepartie, c’est un très haut niveau de corruption.
La presse est habituée à faire preuve d’une extrême discrétion envers le pouvoir. Cette timidité est de mise à l’endroit des grandes sociétés nationales, rongées par la corruption, et le mauvais management. Malaysia Airlines, machine à fric pour les dirigeants politiques et leurs copains, se tient hors de la lumière et cultive le secret. La contrebande , en Malaisie, est un sport national, en particulier la revente des passeports volés. Kuala Lumpur, une capitale riche, en comparaison de ses voisins indonésiens et philippins, est traversé par des clivages ethniques et religieux , masqués mais intenses. Les minorités chinoise et indienne sont victimes d’une politique de discrimination positive, en vertu de laquelle les Malais occupent la quasi-totalité des postes de dirigeants, dans la politique, l’administration et l’armée.
Une manifestation des familles des victimes du Boeing de Malaysia Airlines a eu lieu, hier, à Pékin, jusque devant l’ambassade malaisienne. Le gouvernement chinois n’ayant pas pour habitude de tolérer les manifestations qu’il désapprouve, on peut penser que les relations entre les deux pays vont se dégrader. L’affaire du Boeing disparu n’illustre-t-elle pas jusqu’à la caricature **l’incapacité de certains pays de faire progresser la transparence parallèlement au développement économique ** ?
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