Le contrat intergénérationnel devrait être redéfini à l'occasion de la campagne électorale de l'an prochain.
L’agence France Stratégie, l’héritière de l’ancien Commissariat au Plan, a lancé un vaste débat de société sur le thème : le contrat de génération est-il équitable ? Et de rappeler quelques chiffres, qui démontrent que l’évolution de notre système de protection sociale a nettement favorisé les seniors, au détriment des juniors.
La part du PIB destinée au financement des dépenses de protection sociale a doublé depuis les années 70, pour atteindre 35 % aujourd’hui, ce qui constitue un record en Europe. Mais ce supplément de dépenses a bénéficié dans une très large mesure aux plus de 60 ans. 11 % du Pib leur était consacré il y a 45 ans. Plus de 17 % aujourd’hui. Contre 9 % pour les moins de 25 ans – pourcentage qui n’a quasiment pas bougé.
Les seniors ont vu leur part du patrimoine global doubler en une génération : il est passé de 20 à 40 % de celui de l’ensemble des ménages. L’inégalité entre juniors et seniors est particulièrement sensible, si l’on compare les taux de pauvreté aux deux extrémités des âges de la vie : il est deux fois et demi supérieur chez les moins de 25 ans. Le niveau de vie des retraités qui n’atteignait que que 70 % de celui des actifs dans les années 70, est aujourd’hui légèrement supérieur.
Les retraités ont pourtant le sentiment que leur niveau de vie se dégrade. Et les régimes de retraite complémentaires ayant décidé récemment une baisse de leurs rendements, pour faire face aux déficits qui les plombent, cette tendance va s’aggraver. Les réformes des régimes de retraite vont d’ailleurs provoquer mécaniquement de nouvelles baisses des revenus versés aux retraités dans les prochaines années.
Reste que les jeunes ont le sentiment de faire les frais de choix politiques implicites en faveur des seniors. Et que l’addition qu’on leur tend sera salée. Les retraités actuels ont bénéficié d’un marché du travail dynamique au moment de leur arrivée. Au contraire, notre marché du travail actuel est, comme dit pudiquement France Stratégie, « peu favorable aux nouveaux entrants. » Bel euphémisme ! Aujourd’hui, seuls 30 % des 15-25 ans ayant un travail sont en CDI. Ce travail précaire se généralise. Les nouveaux entrants servent de variable d’ajustement dans un système de production très rigide et protecteur pour les seuls insiders ; les derniers embauchés sont les premiers remerciés en cas de baisse d’activité.
17 % des 15/29 ans sont des NEET (Not in Education, Employment or Training) : ni à l’école, ni dans l’emploi, ni en formation. Des laissés-pour-compte absolus. Leurs grands-parents ont pu devenir propriétaires de leurs logements parce que le marché de l’immobilier était moins tendu qu’aujourd’hui. Comment devenir propriétaire, lorsqu’on navigue de stages en CDDs, en repassant par la case « chômage » ? Enfin, les jeunes héritent des dettes accumulées par deux générations, qui ont permis de maintenir à flot un système qui désormais prend l’eau.
D’autant que le vieillissement de la population, qui est l’une des causes du déséquilibre inter-générationnel, ne va pas s’inverser. Il rendra notre modèle social de plus en plus insoutenable. Dans ces conditions, France Stratégie nous invite à réfléchir aux moyens de rééquilibrer nos politiques sociales, de manière moins défavorable aux jeunes. On pourrait ainsi agir sur les dépenses – en les réduisant, ou sur les marchés du travail et de l’immobilier. On peut également intervenir sur le montant des pensions de retraite, ou alors sur l’âge effectif de départ en retraite, si l’on veut vraiment préserver le niveau de vie des retraités. Se posera enfin tôt ou tard la question de l’inégalité croissante entre pensions des retraités de la fonction publique et pensions du privé. Sujet tabou…
Ces questions devraient faire figurer aux programmes des élections de l’an prochain. Car la « contagion de la précarité » déstabilise les familles des classes moyennes et oblige nombre de parents à concourir à l’entretien de leurs enfants jusqu’à un âge inconnu autrefois.
Mais les partis politiques – dont les dirigeants sont rarement des jeunes gens – savent que les retraités sont des électeurs bien plus vigilants que les jeunes. Lors des primaires, comme c’est aussi le cas dans les cadre des élections intermédiaires, les seniors se déplacent en masse pour voter, quand les jeunes sont davantage susceptibles de s’abstenir. Les jeunes sont nombreux à négliger de s’inscrire sur les listes électorales. Si le contrat intergénérationnel persiste à les désavantager, ils ne pourront s’en plaindre qu’à leur faible niveau de participation à la vie politique.
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