On n'en a pas fini avec les "fous de Dieu" de Daech

France Culture
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Plus le pseudo califat recule sur le terrain, plus il est tenté d'exporter la guerre ailleurs, par le terrorisme.

Le pseudo « Etat islamique », à cheval sur l’Irak et la Syrie basait sa propagande sur le mythe de son invincibilité. Son expansion territoriale continue était présentée comme le signe de son élection divine. Son reflux actuel peut avoir un effet démobilisateur. En tous cas, il va contribuer à tarir le recrutement de nouveaux combattants djihadistes, déjà freiné par la lutte des Etats de la région pour tenter d’y mettre un terme.

L’Etat islamique, pris en tenailles entre l’armée irakienne et les milices chiites, soutenues par la Russie et l’Iran, d’une part, les Kurdes soutenus par les Occidentaux de l’autre, marque le pas sur tous les fronts, là où il ne recule pas nettement, comme à Ramadi et Tikrit, puis maintenant, Fallujah, la première grande ville conquise par lui, en 2014. En outre, son financement via les ventes de pétrole est en grande partie tari. Et les bombardements aériens, en endommageant sérieusement ses infrastructures militaires, ont désorganisé son commandement. En avons-nous fini pour autant avec ces fous de Dieu, déterminés à détruire toutes les puissances de la terre afin d’y établir leur domination islamiste universelle ? Certainement pas.

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Il vaut la peine de se reporter à un article très éclairant, publié par un universitaire britannique, Azeem Ibrahim, en janvier dernier. « Le djihadisme global, écrivait-il, est devenue une donnée permanente de l’ordre mondial ; or, c’est la plus dangereuse menace qu’affronte l’Occident et le système de l’Etat-nation ». Al-Qaïda en a été la première mouture. Il est parvenu à attirer l’Occident dans des guerres qu’il ne pouvait pas gagner, en Afghanistan, puis en Irak. Le résultat a été atteint : la puissance militaire occidentale en a été sérieusement érodée.

L’Etat islamique, qui lui a succédé, est censé donner forme au rêve d’un retour à l’islam des origines, en offrant une alternative globale concrète aux sociétés démocratiques ; et dominer l’agenda en attirant l’attention. Mais l’atout majeur de l’Etat de l’Etat islamique, c’était de se présenter comme porté par le destin, de conquête en conquête. Ses défaites érodent donc sa crédibilité. Mais la guerre d’usure ne fait que commencer, prévenait Azeem Ibrahim, et elle est susceptible de durer encore longtemps. Et plus les dirigeants djihadistes se verront menacés sur leurs territoires, plus ils seront tentés d’exporter le terrorisme, à des fins de compensation.

Comme l’écrit cyniquement Yaroslav Trofimov dans le Wall Street Journal, l’Etat islamique avait au moins un avantage – il servait d’abcès de fixation à tous les desperados du djihadisme international. Aujourd’hui que leur pseudo-Etat est acculé, il faut s’attendre à un retour vers l’Europe de combattants aguerris et entraînés. « Ca va aller plus mal, avant que ça ne s’améliore. » confirme le Français Bruno Tertrais, cité dans le même article du Wall Street Journal. Car, « à court terme, plus cela deviendra difficile pour eux sur le champ de bataille, plus ils essaieront d’attaquer ailleurs. »

Brian Michael Jenkins et Colin Clark de la Rand Corporation conseillent donc aux dirigeants occidentaux de chercher à « contrecarrer leur plan B ». Celui-ci prendra de toute évidence la forme d’attaques terroristes en Europe. C’est ce que confirme l’ancien premier ministre irakien, Ayad Allawi, selon lequel Daech a déjà recruté des gens arrivés en Europe et leur a fait subir « un lavage de cerveau ».

Mais nombre de commentateurs, comme l’analyste américain Wayne White, mettent aussi en garde contre les suites de l’avancée des milices chiites dans les territoires reconquis sur Daech. Car ces victoires ont été parfois suivies de représailles contre les populations sunnites. Le risque de « nettoyage religieux » existe. Or, s’il se confirmait, cela aurait pour effet de pousser nombre de sunnites vers Daech, qui leur apparaîtrait, dans les circonstances, comme un moindre mal.

On le voit, même si la défaite du pseudo-califat est désormais possible, elle ne règlera pas tous les problèmes qui ont précédé sa création et que celle-ci a aggravés.

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