Historien de la Seconde Guerre mondiale, Christian Ingrao a choisi d’explorer le champ de la violence extrême des bourreaux. Il échange à ce sujet avec Anaïs Kien en public du centre Pompidou, dans le cadre du festival IMAGINE.
- Christian Ingrao Historien, directeur de recherche au CNRS
Quand Christian Ingrao décide de faire son DEA sur le nazisme, il n'y a pas de spécialiste du sujet. Celui qui est son maître Stéphane Audoin-Rouzeau, spécialiste de la Première Guerre mondiale, accepte finalement de le suivre en thèse, même s'il n'est pas spécialiste, parce qu'il n'y a personne sur le sujet. "Depuis, on n'est pas une armée, mais un commando. Il y a Johann Chapoutot par exemple. Et on travaille avec ceux avec qui on peut faire des analogies."
Je ne veux pas intervenir dans l'espace public. Je le fais le moins possible. Nous, historiens du temps présent, nous ne sommes jamais seuls. Il y a bien entendu les témoins, il y a les journalistes. Mais aussi il y a toujours un flic, un juge, un espion...
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On a encore du mal à écrire une vraie histoire de l'Europe pendant la Seconde Guerre mondiale. Il faut comprendre tout ce qui s'est passé à l'Est et l'articuler avec les connaissances de l'Ouest sous domination nazie.
Christian Ingrao décrit aussi son travail dans les archives :
Plus ou moins 95% des archives nazies ont été détruites. Cela peut être vue comme une chance. En 50 ans je peux espérer pouvoir dire que j'ai vu toutes les archives.
Anaïs Kien l'interroge ensuite sur la difficulté à trouver des mots pour d'écrire de telles atrocités.
Il y a un coût psychique à travailler sur l'extermination. (...) J'ai toujours un problème avec les niveaux de violence. L'enjeu d'une écriture de cette histoire-là, c'est de réussir à continuer à faire réfléchir les gens et ne pas les laisser dans la sidération. C'est quelque chose sur lequel je travaille. (...) Il va falloir que nous historiens on se mette à travailler sur la manière dont on écrit. Le travail est immense.
Il a écrit une œuvre de fiction qui revient sur les derniers moments de la vie d'un nazi dans "Est-ce que ça va faire mal ?", mais il ne souhaite pas revenir à la fiction. "Je raconte des histoire, mais je n'en invente pas", dit-il.
Il explique son intérêt aujourd'hui pour les années 1970-1980 "comme observatoire de ce qu'on est en train de vivre".
La crise que nous vivons actuellement est le point culminant d'une crise qui prend ses racines dans ces années 1970-1980, lorsque tous les systèmes entrent en crise : les démocraties libérales, les démocraties populaires et les régimes nationalistes et socialistes arabes. Quelque chose s'est passé à ce moment. Il y avait un possible avenir désirable. A partir de ce moment, les systèmes d'espérance n'existent plus. C'est un chantier collectif.
Il évoque aussi l'entreprise de traduction de Mein Kampf. "On entre dans un labyrinthe sans savoir si on va trouver la sortie. Personne ne va le lire et c'est très bien".
Il termine sur l'avenir de la recherche historienne qui selon lui doit porter sur les mondes extra-européens.
Pour aller plus loin, une sélection d'Annelise Signoret :
Christian Ingrao est chercheur à l’Institut d’Histoire du Temps Présent.
Christian Ingrao présente son ouvrage "Hitler" (éd. PUF). Entretien avec Nicolas Patin, maître de conférence en histoire à l’université de Bordeaux. A voir sur la chaîne YouTube de la librairie Mollat.
Autour de la violence de guerre : Entretien avec Christian Ingrao publié dans la revue de sciences humaines, Tracés (n°14, 2008).
Conférence de Christian Ingrao au Collège de France, dans le séminaire de Pierre Rosanvallon sur l’Histoire moderne et contemporaine du politique.
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