Claire Denis : "Si j'avais tellement conscience de moi, alors j'aurais peur"

Portrait de la cinéaste Claire Denis en 2016
Portrait de la cinéaste Claire Denis en 2016 ©Getty - Brill / Ullstein Bild
Portrait de la cinéaste Claire Denis en 2016 ©Getty - Brill / Ullstein Bild
Portrait de la cinéaste Claire Denis en 2016 ©Getty - Brill / Ullstein Bild
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Au micro d'Emilie Chaudet, la cinéaste Claire Denis tisse les coutures de son œuvre et évoque son parcours, de l'IDHEC à son premier long-métrage, en passant par son travail avec Jacques Rivette et Wim Wenders, jusqu'aux visages et aux corps fragmentés qui hantent sont cinéma.

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Claire Denis a un jour dit qu'elle était entrée dans le cinéma comme par effraction. Cette expression fait écho aux premières images de certains de ses films : des images de désir sur un tronçon de périphérique, dans une boîte de nuit à Djibouti ou dans un lit tout blanc aux draps défaits. Cela évoque aussi certaines images de fin d’un monde : une jeune fille nue qui marche sur un trottoir dans le noir, une maison qui brûle, un bébé qui pleure dans un vaisseau spatial, ou une femme qui quitte sa vie d’avant au milieu de ses cartons. 

Des images sans titre tout d’abord, celui-ci vient un peu plus tard et nous dit que ces images de vie que l’on vient de voir, c’est bien du cinéma. C’est peut-être parce que la réalisatrice est attirée par ces hommes à la marge qui traversent à pied un espace étranger qu'elle veut aussi nous y emmener. Des images qui semblent s'imposer, pour initier le récit.  

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Quand j'avais dit "par effraction", je le ressens encore. Le monde du cinéma est vaste et majestueux. Il est aussi un tout petit peu interdit, ou parfois sectaire. Il n'est pas ouvert à tout vent. [...] Il y a des grilles, des portes, des codes. Quand j'ai pensé que j'allais peut-être faire du cinéma, je me disais : mais comment faire pour entrer par la petite porte ? Parce que je ne voyais pas du tout un cinéma accueillant. Claire Denis

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Faire du cinéma au présent

En 1969, Claire Denis intègre l'IDHEC (l'ancêtre de la Fémis), alors sous la direction de Louis Dacquin qui va lui permettre de "vivre avant de faire du cinéma". Avant de réaliser son premier film en 1986, elle va devenir l'assistante de grands metteurs en scène comme Jacques Rivette, ou encore Wim Wenders. Pour son premier long-métrage, Chocolat (1988) qui se déroule au Cameroun, Claire Denis est allée puiser dans les repérages qu'elle avait effectués avec Wim Wenders aux États-Unis pour le film Paris, Texas (1984). La recherche d'un territoire peut donner lieu à la recherche d'un film.

Claire Denis : "J'accompagnais Wim Wenders dans ce repérage. [...] Je voyais que même si une partie du film était écrite par Wim Wenders et Sam Shepard, ça ne voulait pas dire que le film était tout à fait trouvé. [...] Je comprenais que ce n'était pas qu'une quête géographique, mais spirituelle aussi. C'était assez exceptionnel comme traversée, mais je savais que ce n'était pas des paysages qui étaient faits pour moi. [...] Ces paysages me touchent parce qu'ils parlent du cinéma américain, des westerns, de l'Amérique... [...] Je sentais que moi, je venais d'ailleurs, que je ne trouverai rien, moi, dans ce voyage."

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Les coutures d'un film

Depuis son premier film Chocolat, jusqu'à son dernier en date, High Life, Claire Denis écrit ses films en collaboration avec le dramaturge et scénariste Jean-Pol Fargeau. Elle adapte également les romans d'Emmanuèle Bernheim pour Vendredi Soir en 2002, de Christine Angot pour Un Beau Soleil Intérieur en 2017, ou encore de Marie Ndiaye avec White Material en 2010. Pour chacun de ses films, Claire Denis effectue un important travail préparatoire avant de tourner, avec des scénarios très écrits, qui lui permet d'avoir un cadre.

Claire Denis : "Je suis peureuse, craintive, je suis lente et d'autre part, il y a une chose nécessaire à considérer quand on fait un film, c'est le budget. C'est l'autre partie du scénario. Si on est tenu au budget, il faut avoir un scénario. Il faut avoir le plan de travail, la durée, les lieux. Il faut respecter toutes les coutures du film. Ça me permet de lutter pour autre chose que du temps, ça me donne une paix intérieure. Le temps doit être mon allié."

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Des visages et des corps 

Au fil de ses films, les mêmes visages, les mêmes corps d'actrices et d'acteurs reviennent, à l'instar de Juliette Binoche ou encore Grégoire Colin, un de ses acteurs fétiches, chez qui elle a décelé du doute, une irrésolution et une puissance d'évocation sans pareil. 

Claire Denis : "Au départ, je cherche pas grand chose, il y a quelque chose qui se déclenche et qui fait que ce moment invraisemblable où l'on va travailler avec une actrice ou un acteur, c'est un pacte. Il n'y a pas de raison de ne pas le renouveler. Je reconnais qu'avec eux je vais ressentir du désir et une crainte de ne pas être à la hauteur de ce qu'ils me laissent entrevoir d'eux-mêmes."

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Pour aller plus loin

Numéro de Blow Up, magazine de cinéma d’arte.tv, consacré à Claire Denis et les musiques de ses films.

Sa biographie surs le site du Ciné-Club de Caen.

Leçon de cinéma avec Claire Denis, animée par Frédéric Bonnaud à la Cinémathèque, à voir sur le site d’Arte.tv.

Éprouver son amour, réprouver son désir : Trouble Every Day de Claire Denis ou les tourments du savant., un article de Roxane Hamery, extrait de l’ouvrage Le savant fou (éditions Presses universitaires de Rennes, 2013).

Les répétitions contrariées, un article de Caroline Renard sur le film Beau travail de Claire Denis dans la revue Cinémas, vol. 23, automne 2012.