"Ce sont les regardeurs qui font les tableaux" disait Duchamp. Daniel Buren, figure de l'art in situ, s’en approche lorsqu’il confie "si je ne faisais pas confiance au regardeur, je crois que je n’exposerais pas". Dans cette Masterclasse, l’artiste-plasticien se livre sur sa démarche créative.
- Daniel Buren Artiste plasticien
- Anaël Pigeat Editor-at-large du mensuel The Art Newspaper édition française, critique d’art et journaliste à Paris Match, productrice de documentaires sur France-Culture, ancienne critique à La Dispute sur France Culture
"Daniel Buren, né en 1938 à Boulogne-Billancourt, vit et travaille in situ." C’est ainsi que l’artiste-plasticien est présenté laconiquement dans les catalogues d'exposition. Comment présenter l'artiste des "Deux Plateaux" ou célèbres "Colonnes de Buren" de la cour du Palais Royal ?
Il serait vain de faire un portrait de Daniel Buren en dressant la liste des expositions qu’il a réalisées : du Musée d’Art Moderne de Paris au Musée Guggenheim de New York, on en dénombre 2600 entre 1965 et 2016 ! Daniel Buren a réalisé plus d’un millier d’installations dans l’espace public, aux Terreaux à Lyon, sur le plateau de la Cour d’honneur du Palais royal à Paris, sur le bâtiment de la Fondation Louis Vuitton, sur le quai des Antilles de Nantes, mais aussi en Allemagne, au Japon, en Italie ou en Espagne…
Figure incontournable de la scène artistique française et internationale, il a reçu le Lion d’or de la Biennale de Venise en 1986, et le prix Praemium Impériale remis par l’Empereur du Japon en 2007.
Dans cette Masterclasse consacrée à Daniel Buren lors du week-end Imagine organisé par France Culture avec le Centre Pompidou, Anaël Pigeat interroge l'artiste sur sa démarche et méthode de création, de l’idée initiale jusqu’au moment où il considère l’œuvre achevée. Il évoque son rapport à l'espace public, à la couleur, mais aussi aux commandes muséales et institutionnelles, au travail toujours recommencé, ou encore au cinéma.
Daniel Buren est un représentant important de la peinture moderne et minimaliste des années 1960, notamment via les expositions qu’il mène avec le groupe B.M.P.T. qu’il fonde avec les peintres Olivier Mosset, Michel Parmentier et Niele Toroni. Dans sa "Mise en garde" de 1969, Daniel Buren décrivait l'effet de sa peinture aux motifs géométriques minimalistes, quasi-signalétique, non pas en terme de chose représentée, mais de "visualité de la peinture elle-même" : "La peinture ne devrait plus être la vision/illusion quelconque, même mentale, d'un phénomène (nature, subconscient, géométrie...), mais VISUALITÉ de la peinture elle-même."
J’ai toujours pensé que la couleur était l’élément le plus important dans une chose qui était donnée à voir, dans la peinture en particulier. Pourquoi c’est important ? Avant tout parce que c’est la seule chose intrinsèquement impossible à décrire. Tout ce qui ressemble à des descriptions de couleur, c’est plutôt quelque chose du genre humoristique que du genre sérieux.
Si la couleur occupe pour Buren une place capitale, son choix n’est jamais une question de goût.
J’ai eu toute une série de stratagèmes pour éviter d’utiliser la couleur dans un sens de goût ou de manière personnelle. On connaît beaucoup de moyens dans le domaine artistique, surtout au XXe siècle, on peut choisir ses couleurs avec des dés par exemple. Moi j’ai souvent demandé à d’autres de choisir des couleurs qui les intéressaient. Ça a quelques avantages : un, cela évite ce type de choix, et deux, cela me force à travailler avec des choses que je n’aurais pas utilisées. C’est un très bon exercice.
Daniel Buren est aussi l**’un des fondateurs de l’art** in situ qui détourne le modèle des espaces d’exposition de type white cube (expression popularisée par le critique d’art Brian O’Doherty en 1977), ces enceintes cubiques aux murs blancs, pour permettre à l’art de sortir du musée ou de la galerie afin d'investir l’espace public.
Les galeries ont des similitudes dans les espaces qu’elles proposent. Les musées, c’est déjà un peu plus varié. Si c’est un grand espace, il faut absolument que je voie tout, et que je puisse travailler sur place.
Peintre et plasticien donc, c’est pourtant l’art cinématographique qui l’a beaucoup inspiré. À la cinémathèque de la rue d’Ulm, il découvre Buster Keaton, Robert Bresson, Eisenstein, Dziga Vertov... À partir de 1960, il entreprend de faire des films.
Le cinéma à l’époque m’intéressait énormément, et j**’hésitais beaucoup entre faire du cinéma ou autre chose dans les arts plastiques… Je suis resté très attaché à ce médium,** j’ai toujours continué à faire des petites choses avec des images mobiles, notamment avec la vidéo (…). Je travaille aujourd’hui sur un film sur la Chine, qui est toujours en montage, donc c’est quelque chose qui est toujours un peu dans ma tête.
Du cadrage cinématographique aux installations in situ de Buren, un lien peut être tissé :
La grande majorité de mes travaux sont in situ et sont fixes. Ce qui ressemble le plus à un mouvement de la caméra alors, c’est celui des visiteurs et des spectateurs. Il est donc difficile de voir un de mes travaux sans bouger. Il y a des centaines voire des milliers de points de vue, mais c’est au visiteur de les découvrir.
>>> Pour aller plus loin, une sélection d'Annelise Signoret >>>
Le geste d’artiste de Daniel Buren, à retrouver sur le site du Laboratoire du geste
Dossier sur Buren et son œuvre proposé par le Musée d’art moderne du Luxembourg
Les deux plateaux de Buren présentés dans l’émission d’Art d’Art
Retour sur les Colonnes du Palais-Royal, installées par Daniel Buren en 1986. Une rencontre avec l’artiste animée par Guy Lelong, auteur d’une monographie sur Buren, et présentée par Marianne Alphant du Centre Pompidou.
Comme un jeu d’enfant, travaux in situ : exposition de Daniel Buren au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg (hiver 2014-2015).
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