Eric Rochant : "Il suffit de vivre pour avoir envie de raconter des histoires"

Eric Rochant
Eric Rochant  ©Getty - Lars Niki
Eric Rochant ©Getty - Lars Niki
Eric Rochant ©Getty - Lars Niki
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Éric Rochant est un "showrunner", un créateur de séries, auteur et producteur. Il supervise chaque étape du processus de création. Entrez aujourd’hui dans la chambre noire d’Éric Rochant, la fabrique intime de son œuvre.

Avec
  • Eric Rochant Réalisateur, scénariste, producteur, créateur de la série Le Bureau des Légendes.

Sorti de l’IDHEC (la Fémis) en 1983, il frappe vite et fort avec Présence féminine, César du meilleur court-métrage de fiction en 1989, puis avec Un monde sans pitié, Prix Louis-Delluc et César de la meilleure première œuvre. Il y racontait les idéaux endeuillés d'une génération à bout de souffle portée par Hippo, dont on se rappelle les envolées pleines de désillusion : "S_i au moins on pouvait en vouloir à quelqu'un. Si même on pouvait croire qu'on sert à quelque chose, qu'on va quelque part… Mais qu'est-ce qu'on nous a laissé ? Les lendemains qui chantent ? Le Grand Marché Européen ? On n'a que dalle. On n'a plus qu'à être amoureux comme des cons, et ça c'est pire que tout."_

Suivront Aux yeux du monde et les Patriotes, premier pied osé dans l'univers du contre-espionnage, puis Anna Oz, ou la science des rêves, Vive la République ! sur le spectacle politique ou encore Möbius, un thriller amoureux. L'exercice cinématographique est pour lui avant tout solitaire.

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Créer quelque chose, c’est de la solitude. On est seul avec ce qu’on fait. Même si le cinéma a tendance à être collectif, quand on fait un film et en particulier ce qu’on appelle des films d’auteur, on est seul à écrire, à corriger, à faire le film, à l’assumer, le penser et le porter. 

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On le connaît plus récemment pour Le Bureau des légendes, une série télévisée diffusée depuis 2015 sur Canal+. Trois saisons, une quatrième en préparation avec Mathieu Amalric au casting, qui racontent le parcours de "légendes", ces agents secrets aux identités fabriquées de toutes pièces par les services de renseignement pour les protéger lors de périlleuses missions aux quatre coins du monde. Opérant dans l'ombre, "sous légende", ces femmes et ces hommes vivent dans une duplicité permanente. La DGSE (Direction générale de la Sécurité extérieure) a-t-elle conseillé Éric Rochant pour que ça ait l’air aussi vrai ? "Ils étaient d’accord pour que je leur pose des questions, même s’ils n’ont répondu à aucune !" dit-il avec facétie.

Fort du succès critique et populaire du Bureau des légendes, Eric Rochant est devenu un adepte de la série et de son processus particulier de création.

Souvent je dis aux scénaristes avec qui je travaille, si vous ne trouvez pas la solution, posez-vous la question : "comment ça se passe dans la vie ?" Comme dans la vie, c’est le principe même de la série [Le Bureau des légendes]. Il faut que ça se passe à peu près "comme dans la vie". C’est une boussole. C’est vrai qu’on triche, ça ressemble à "comme dans la vie", mais c’est pour ça qu’on y croit et qu’on peut être ému par ce qui arrive. J’ai toujours besoin de croire aux histoires qu’on me raconte pour être ému. (…) Le réalisme, c’est juste une façon de soutenir l’émotion, de la créer et de la susciter. 

L’intérêt d’une série, c’est que ça revient toujours à la même place. C’est-à-dire qu’on tourne en rond. Mais en tournant en rond, on creuse, et on creuse un truc qui a à voir avec la vérité

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Dans ses films, on devient agent par cooptation. Dans la vie, on devient cinéaste par vocation. "J_’ai voulu faire du cinéma depuis très jeune. À l’âge de 13 ans je voulais déjà faire du cinéma. C’est né de la cinéphilie, de l’amour des films_" explique Éric Rochant. Mais la certitude d’être véritablement cinéaste met du temps à s’installer. 

On n’est pas cinéaste au premier film, on se demande même à quel moment on l’est. Je pense qu’au bout de quelques films on commence à se dire que peut-être on est cinéaste. Et en même temps, être cinéaste, ça ne veut rien dire. Il y a une lutte, un combat sémantique : est-ce qu’on doit dire, au générique d’un film, metteur en scène ou réalisateur ?

Une chose est sûre, l'imagination est motrice, et Eric Rochant ne craint ni la perte d'inspiration...

Je crois que j’ai pas mal d’imagination. Pour le meilleur et pour le pire, c’est-à-dire que par exemple, si je suis en avion, je peux voir l’accident qui va arriver. Je l'imagine, je le mets en images. Je peux voir de très belles choses, mais je vois aussi les catastrophes, c’est ça qui est angoissant ! Cela explique aussi que je raconte des histoires. 

... ni la panne du désir :

Comment vient une idée ? Une idée vient d’un désir (…) ça veut dire qu’il y a un manque, on a besoin de raconter ça, on a envie de décrire quelque chose, on a envie de restituer une émotion. Par exemple je pourrais dire que tous les films d’espionnage que j’ai fait – bon, j’en n’ai fait que trois -, peuvent venir du désir de restituer ce que j’ai ressenti quand j’ai lu John le Carré.

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