Gérard Fromanger : "Dans cet univers devenu gris, je nous peins, nous, en couleurs"

Gérard Fromanger
Gérard Fromanger ©AFP - Fred Tanneau
Gérard Fromanger ©AFP - Fred Tanneau
Gérard Fromanger ©AFP - Fred Tanneau
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Mort le vendredi 18 juin 2021 à l'âge de 81 ans, Gérard Fromanger revenait dans le cadre de cette masterclasse sur l'origine de son art, en conversation constante avec le monde, tant du point de vue politique qu'humain ou encore relationnel et urbain.

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Le peintre Gérard Fromanger est mort ce vendredi 18 juin, à La Salpêtrière, à Paris. Il avait 81 ans. Dans cette masterclasse diffusée en 2017, il revenait sur l'origine de son art.

Après ses études secondaires, Gérard Fromanger suit pendant une période brève les enseignements des Beaux-Arts de Paris avant de rejoindre les cours du soir dispensés par le peintre Robert Lesbounit. Il fréquente César, qui lui prête son atelier, Prévert, Giacometti... Personnage incontournable de la figuration narrative, il s'inscrit dans la contestation de Mai 68 en co-fondant l'"atelier des beaux-arts" pour l'impression d'affiches militantes, et en participant aux "ciné-tracts" de Godard. 

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Gérard Fromanger revient au cours de cette Masterclasse sur une vie et un travail fondés sur la rencontre entre les arts et avec les artistes. 

L'enfant de l'art

Fruit de plusieurs générations de peintres amateurs, Gérard Fromanger se souvient avoir entrepris la peinture dès l'âge de 2 ans. 

Le risque, l'invention, cela ne faisait pas du tout parti du monde de mon père. Il avait une culture très académique. Moi, déjà vers 14 ans, je copiais Picasso et Braque et j’inventais des formes en prenant modèle sur les cahiers centraux du dictionnaire Larousse.

À réécouter : S'émanciper des maîtres
A voix nue
29 min

Du pouvoir des artistes

Pour Gérard Fromanger, le pouvoir est collectif et réside dans la sauvegarde d'une indépendance et d'une dignité dans l'activité artistique, souvent mise en péril par le marché de l'art.

Quand on peut avoir un geste de dignité face à soi, de construction de soi-même, c'est très important. Et, d'autre part, ça marque, ça relance l’aventure. (…) On se dit « j’ai dit merde au plus grand marchand du monde, faut le faire ». C'est très bénéfique, c’est à pleurer comme ça fait du bien. Et c'est politique.

L'amitié comme école 

Selon les termes de Gérard Fromanger, l'amitié lui a "appris à vivre". En sus de l'esprit contestataire, le simple fait d'"être ami" se déterminerait alors comme l'un des gestes fondateurs de son oeuvre.

L'amitié, c'est un échange. Prévert me donnait ses histoires, son passé, ses poèmes, sa parole - qui était géniale, qui recréait le monde tout le temps. Moi je lui donnais ma jeunesse et ma peinture. C’était un vrai dialogue. L’amitié, c’est s’échanger ce qu’on fait.

Le travail avec Jean-Luc Godard compte parmi les rencontres déterminantes dans le parcours de Gérard Fromanger, qui s'épanouit à l'aune de Mai 68.

Par les temps qui courent
1h 02

"Soyons impossible, demandons la réalité"

Le travail de Gérard Fromanger est en prise directe avec le réel. Son oeuvre ne regarde pas le monde, mais se pose en plein dedans.

C'est quelque chose qui se cristallise en 68, avec cette parole sur les murs : "Soyons réalistes, demandons l'impossible" qui parle de l'increvable espoir, l'increvable mythe de l'"après", qui dit "ce sera mieux une fois qu'on sera élu, vous verrez". La réalité est beaucoup plus difficile, beaucoup plus complexe. Moi, je le disais, je le dis toujours : "soyons impossible, demandons la réalité". C'est ça qui est difficile et c'est ça qui est passionnant réellement. Le réel on le prend, on le mange, on le mord, on le tord, on le fabrique, on le fait, on le construit... Avec les mythes, on se fait tous avoir comme des cons."

Hors-champs
44 min

La couleur, une déclaration

Dans cet univers devenu gris, je nous peins, nous, en couleurs. Nous sommes beaux. Nous sommes désespérants, tragiques, terribles, contradictoires,  méchants, dégueulasses, assassins. Mais nous sommes aussi merveilleux, extraordinaires, incroyables, magiques, miraculeux. (…) Moi je le dis, et j'espère que ça contrecarre un peu certains discours. Je le dis avant de crever comme un crétin. J’affirme le sentiment le plus fort que je peux avoir : montrer que nous pouvons être à la hauteur de la fantastique énergie de l'univers.

Réécoute du 11 juillet 2017

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