

Enregistrée durant l'exposition "Stances", aux Rencontres d'Arles 2017, festival de photographie, cette masterclasse nous plonge au coeur du travail photographique de Marie Bovo. Elle nous dévoile son regard, son processus de travail, son rapport à la photographie ...
Marie Bovo (Photographe), Anaël Pigeat (Editor-at-large du mensuel The Art Newspaper édition française, critique d’art et journaliste à Paris Match, productrice de documentaires sur France-Culture, ancienne critique à La Dispute sur France Culture).
Marie Bovo est née en Espagne en 1967. Elle vit et travaille aujourd'hui à Marseille. Quand elle était enfant, elle voulait être sculptrice. Dans sa famille, la tradition était orale, l'art était absent, pas de livre ni de peinture mais une photographie avait capté le regard de la petite fille dans la chambre de sa grand-mère, la photo d'une vierge portant un Christ mort. Pour Marie Bovo, cette sculpture de Vierge photographiée avait le même degré de présence et de réalité qu'une véritable personne photographiée. Le regard de l'artiste et ses questionnements remontent alors à l'enfance.
Durant sa formation à la fac en arts plastiques et littérature, elle s'était intéressée à la photographie. Mais c'est lorsqu'un ami lui offre un appareil photo que naît alors véritablement sa pratique.
Elle questionne aujourd'hui dans son travail par série, la lumière, la nuit, le temps mais aussi l'espace -architecture ou paysage- et la façon dont nous vivons dans ces lieux.
Nous sommes en dialogue avec les autres artistes, peu importe qu’ils soient vivants ou morts. On espère aussi dialoguer avec le futur. Un artiste ne vit pas dans sa tour d’ivoire et ne naît pas d’une graine du jour au lendemain : on devient artiste au contact de l’art.
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Pour l’art, la nuit est essentielle. Notre regard rencontre une limite très forte, le noir, ce moment où l’on ne peut plus voir, le retrait. C'est accepter que certaines choses échappent au regard, à la pulsion voyeuriste et exhibitionniste, le propre de nos sociétés contemporaines. On passe notre temps à faire reculer cette présence de la nuit en l’éclairant.

Je suis toujours bouleversée par la dimension muette et la brutalité d’une photographie ou d’une peinture. Les rencontres, les mots ensuite, fabriquent d’autres récits qui permettent, d’aborder les lieux différemment, pas seulement dans le moment présent mais créent une intimité dans l’espace temps à travers des récits, la littérature est un jeu qu’on incarne en tant que lecteur.

L’exil crée un type de culture, et là où l’art et la littérature ont été essentiels pour moi, c’est qu'ils m'ont permis de vivre l’exil d’une manière heureuse.

La photographie, c’est de l’art, même si on sait bien qu’aux origines c’est une technologie qui a surgi et qui est toujours assez étonnante. Les multiples usages de la photographie sont très contradictoires : on a tendance à penser la photo dans son usage positif mais au 19ème siècle c'était aussi la photo policière, le bertillonnage, l’idée de ficher, marquer des individus. Ces contradictions sont intéressantes. Ce processus technologique industriel est aussi marqué par le phénomène d’obsolescence. Il y a quelque chose d’impur dans la photographie, matière vivante et intéressante qu'on ne met pas sur un autel qui lui serait dévolu de toute éternité comme la peinture.

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