Au micro de Caroline Broué, l'écrivaine Maylis de Kerangal donne sa masterclasse, où elle révèle ses rituels d'écriture, son rapport à la littérature et l'importance d'avoir un "lieu à soi" pour lire et s'ouvrir au monde.
- Maylis de Kerangal Écrivaine
Née à Toulon en 1967, Maylis de Kerangal a grandi au Havre avant de faire des études de sciences humaines, de philosophie, d'ethnologie, d'Histoire et d'anthropologie à Paris. Elle devient ensuite éditrice de guide de voyage, puis de documentaire pour la jeunesse, un travail qui "_a fait emprunte dans son écritur_e". Elle crée en 2004 les éditions du Baron Perché, spécialisées dans la jeunesse.
Autrice d'une dizaine de livres, le grand public la connaît particulièrement pour trois de ses romans : Corniche Kennedy, paru en 2008 aux éditions Verticales et adapté au cinéma par Dominique Cabrera ; Naissance d'un pont Prix Médicis 2010 ; et Réparer les vivants (2014) qui a obtenu de nombreux prix et qui fut adapté au cinéma par Katell Quillévéré en 2016.
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Mais avant ça, il y a eu Je marche sous un ciel de traîne, son premier roman paru en 2000, puis La vie voyageuse en 2003, le recueil de nouvelles Ni fleurs, ni couronnes, Tangente vers l'Est en 2012. Son dernier livre, Kiruna, a paru en 2019.
Le moment déclencheur
C'est dans le Colorado, lors de deux séjours en 1996 et 1997, que Maylis de Kerangal se met à écrire. L’espace a toujours joué un rôle majeur chez elle, qu’il soit maritime ou portuaire, comme celui de son enfance, ou qu’il soit un ailleurs. La géographie tient une place à part dans son écriture, dans son imaginaire, et dans sa langue. Pour elle, à l’origine d’un roman, il y a toujours des "désirs très physiques, matériels. Et une envie d’espaces"...
Maylis de Kerangal : "Dans cette bourgade, dans ce campus universitaire, c'est là que j'ai écrit pour la première fois. Ce fut un passage à l'acte. Parfois, quand je pense à ce déclenchement de l'écriture, je me demande ce qui se serait passé si je n'avais pas fait ces séjours aux États-Unis. Pour écrire, il faut une condition, du temps et un espace pour le faire. Je salue ces deux automnes où j'ai essayé de ressaisir dans un roman une vie d'éditrice de guide de voyage. Tout s'est joué là ! Il y a eu une naissance de toutes mes pratiques."
L'écriture et ses rituels
A partir de cette première expérience américaine, dont son premier roman fut le fruit, et nourrie de nombreuses lectures, elle met en place une pratique singulière et ritualisée qu’elle reproduit de livre en livre. Il y a d’abord le lieu, la chambre où elle écrit chaque jour en respectant de longues séquences de travail. Il y a ensuite l’objet, son carnet de moleskine noir, dans lequel elle consigne ses idées, des mots, des choses vues et entendues. Il y a enfin son rituel, la collection composée d’une quinzaine de livres rassemblés pour l’écriture du nouveau roman et dont chaque volume porte l’intuition du texte qui la travaille.
Maylis de Kerangal : "Je n'ai pas l'idée de l'auto-construction, je pense que j'ai n'ai pu écrire que parce que j'ai lu. Et aujourd’hui, si je ne lis pas, si je ne suis pas portée par des livres qui m'enthousiasment, par des écritures, par des langues aussi, j'écris moins. Tout se passe ensemble. Un de mes premiers gestes quand je commence à revenir vers l’écriture, c'est de rassembler des livres, de natures et de langues extrêmement différentes. (…) J'assemble une collection, et je sens alors que le livre vient, je construis une habitation pour ce roman à venir"
Un lieu à soi
La chambre, lieu d'écriture et de travail, est essentielle pour sa pratique. Une chambre d'écho, une chambre forte, une chambre à soi... un lieu distinct qui lui permet d'ouvrir le monde parallèle de la fiction. Elle peut y lire, y regarder des films, y écouter de la musique, et écrire dans ses carnets :
Maylis de Kerangal : "La musique a été très importante dans les premiers textes. Notamment dans les romans "Dans les rapides" et "Corniche Kennedy", et même dans "Réparer les vivants". Il y a des playlists disséminées. La musique n’accompagne pas l’écriture mais elle peut la lancer. Je ne peux pas écrire sur un fond musical. Ce que j’essaye d’écrire, c’est une musique. Une musique ne peut se glisser au-dessus d’une autre. (...) Mes carnets de notes sont comme des bandes d'enregistrement, sans hiérarchie, ils traversent la vie de l'écriture. C'est comme un capteur, ce sont des notes impures, des fragments, des embryons de scènes, des listes, des schémas et des plans pour visualiser la séquence. Les carnets sont une ligne de crête du livre qui est en train de s'écrire, comme des compagnons qui donnent du courage."
Réécoute du 17/07/2017
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