Au cœur du rapprochement contemporain de la photographie et des sciences humaines, entrez dans la fabrique de l’œuvre de la photographe et vidéaste Valérie Jouve, qui depuis ses débuts "cherche une intensité du monde vivant".
- Valérie Jouve Photographe, vidéaste
Valérie Jouve a fait ses premiers pas photographiques dans la banlieue de Saint-Etienne à la toute fin des années 1980, initiant une œuvre de terrain entre l’anthropologie et la sociologie. Cette œuvre prendra par la suite une forme plus sensorielle, avec la photographie couleur et la vidéo.
Fascinée par la ville, Valérie Jouve fixe en images des figures et des corps qui habitent l’espace urbain ou qui sont traversés par lui. Elle procède par "corpus" thématiques de séries photographiques, menées parfois sur plusieurs années, avec un regard sensible et contemplatif. La question du traitement de l’espace est au cœur du cliché : il s’agit de comprendre comment la figure confère une présence à ce qui l’entoure.
L'intensité du monde vivant
Les photographies de Valérie Jouve naissent du mariage de l’art documentaire et de la recherche d’une forme de théâtralité dans la représentation du quotidien. La photographe et vidéaste dévoile le processus de fabrication d'une oeuvre qui tend à trouver "l’intensité du monde vivant" tout au long de cette Masterclasse placée sous le signe de l'image.
Avant d'intégrer l'école de photographie d'Arles, Valérie Jouve a suivi une formation universitaire en anthropologie et sociologie, une période durant laquelle elle découvre le documentaire Les Maîtres Fous de Jean Rouch, un film déterminant pour la suite de son parcours.
Valérie Jouve : "Je suis ressortie du cinéma avec une certitude : ce vivant-là était bien capté et analysait beaucoup de choses mais sans distanciation, sans analyse qui serait figée par les mots. Tout à coup, on était projeté dans un monde, on pouvait le sentir, éprouver une certaine familiarité. Cette puissance-là de l’image a été un coup de foudre."
Après avoir suivi une formation à l’école photographique d’Arles, Valérie Jouve trouve son sujet. Elle veut montrer "la justesse des personnages par rapport aux corps des bâtiments". Elle fixe ainsi l'image de passants, de face ou en contre-plongée, se découpant sur des façades à Paris, Marseille ou New York, pendant des embouteillages, à la sortie du bureau ou lors des pauses-cigarettes sur le trottoir. On identifie alors son travail à une "photographie objective" peut-être un peu trop vite :
Valérie Jouve : "Quand on fait ses premières expositions, et qu'on se voit titrer en première page du Monde "La nouvelle photographie objective", il y a une espèce d'inconscience des médias à poser quelqu'un qui n'est pas du tout prêt à être à cette place-là. Je n'étais rien de tout cela. (...) J'ai dû me détacher de ces séries de personnages."
La possibilité d'être au monde
En utilisant le montage dans sa pratique de la photographie (par superposition des photographies entre elles ou avec des peintures, en changeant les formats, au moment de prendre la photo, ou lors du montage et de l'accrochage), Valérie Jouve certifie que "l'image peut avoir une interaction très physique avec le spectateur".
Valérie Jouve : "L'image a un sens en elle-même, mais elle vit au moment où elle se met en lien avec d'autres images. (...) Entre deux images, il y a une troisième image, et cette chose-là m'intéresse beaucoup, pour paraphraser Godard... Déjouer la photographie, c'est peut-être aussi donner des outils à l'autre pour voir à quel point la photographie est une construction mentale avant d'être une réalité... Des images sont vues comme des vérités et c'est bien là le problème. Une photographie, c'est quelqu'un qui voit."
Pour aller plus loin
L’atelier A de Valérie Jouve est à voir sur Arte.tv
A propos de l’exposition Corps en résistance de Valérie Jouve au Jeu de Paume
L'équipe
- Production
- Production
- Collaboration
- Réalisation