Grillons la tartine par les deux bouts

Des tartines de miel.
Des tartines de miel.  ©Getty -  istetiana
Des tartines de miel. ©Getty - istetiana
Des tartines de miel. ©Getty - istetiana
Publicité

Eloge des tranches de vie gourmande sur du pain.

Que serait la vie sans ces épousailles de pain et de garniture qui nous occupent du petit matin jusqu’à minuit ? Les tartines sont autant des tranches de vie que des nourritures sentimentales du quotidien.

Me lever quand elle dort encore et puis descendre acheter à la boulangerie du coin une ficelle tiède  sur laquelle on tartinera un bon beurre demi-sel. La tartine à deux au petit-déjeuner, c’est un peu comme marcher main dans la main sur les berges de la Seine ou dans la forêt de Chaux. L’essentiel. Evidemment, on n’est pas obligé d’aimer les mêmes choses, c’est d’ailleurs pour cela que l’on s’aime. Elle préfère la tartine beurrée dans son plus simple appareil quand nous, on y ajoute de la figue en confiture qui nous rappelle les crépuscules en pente douce dans le Gard, du côté du Château de Montfrin qui fait du vin et de l’huile d’olive bio. Et puis, il a toujours ce petit supplément d’amour qui fait qu’après le deuxième café, elle, il vous tartine le crouton de la ficelle.

Publicité

Cette passion vient de loin, mais je n’y suis pas pour grand-chose. Au Moyen Age, la tartine était le support des mets, sorte d’assiette que l’on appelait « tranchoir » quand il accueillait la tranche de viande. A la fin des repas, ces tranches de pain imbibées de jus et de sauce étaient données aux pauvres. Il faut savoir que le mot copain viendrait de cette tradition de partager le pain, « Cum panis » en latin, qui veut dire partager le même pain.

Plus près de nous, je me suis vraiment mis à apprécier la tartine quand j’ai compris enfant que c’était beaucoup plus que l’incontournable du petit-déjeuner que l’on trempe dans le café, quelle horreur d’ailleurs, pour une raison qui m’est encore à ce jour inconnue.

J’ai vraiment compris la tartine dans les nourritures d’usine, les pause casse-croûtes du matin, trois heures après l’embauche. C’étaient les rituels de mes aïeux à l’atelier et j’ai appris à les aimer quand ils les reproduisaient à la maison ou dans la cabane du jardin. J’ai ainsi encore sur les papilles le goût du saindoux, le gras du porc, sur une tranche de gros pain avec  quelques grains de sel et de tours de moulin de poivre noir. J’ai conservé le goût frais du fromage blanc avec ses oignons frais étalés sur une tartine rôtie sur la fonte de la cuisinière à bois.

Mais je ne vous dirai jamais que c’était mieux avant tant car pour moi la tartine reste essentielle donc indémodable quand je la garnis à point d’heure d’un reste de frichti débusqué dans le frigo. Et puis j’ai toujours en tête cette phrase d’un poète qui au petit matin d’une nouvelle année à Moscou, m’avait chuchoté, après avoir bu autant qu’un Tupolev : « La vie est une tartine de merde, mais parfois, il y a quelques gouttes de miel dessus. »

Vous savez le bonheur de la tartine, c’est aussi et peut-être surtout celui de concocter des petites gourmandises à étaler dessus comme le grillon charentais, une sorte de rillettes dont je vous ai posté la recette ici. 

Le grillon charentais

Voici la recette d’Agnès Claverie et Lyliane Benoit dans leur excellent bouquin « La cuisine charentaise » (ed. Sud Ouest). 

Pour six personnes, il vous faut :

  • -500 g de poitrine de porc fraîche ; 
  • 500 g d’échine de porc ; 
  • un bouquet garni de thym et de laurier ; 
  • un verre de pineau des Charentes ou un demi-verre de Cognac ; 
  • du sel et du poivre.

1. Coupez les viandes en dés de taille moyenne. Mettez-les dans une cocotte ou une sauteuse avec 2 cm d’eau au fond et salez et poivrez. 

2. Ajoutez l’alcool, le thym, le laurier et laissez mijoter à feu doux pendant trois heures en remuant souvent. 

3. Une fois les chairs bien détachées, écrasez-les légèrement à la fourchette (ou encore mieux à la main) pour les lier. 

4. Mettez dans des bocaux, laissez refroidir et consommez quelques jours plus tard. On peut aussi stériliser les bocaux ou les recouvrir de graisse, ce qui permettra de les conserver plus longtempsQ

L'équipe