

La politique est aussi affaire de table comme le montraient l’appétit et les goûts de l’ancien Président disparu.
Jacques Chirac était l’homme à la tête de veau. Même si Guillaume Gomez, le chef des cuisines de la présidence de la République, affirmait en 2017 qu’on en faisait à tort son plat préféré : « En douze ans d'Élysée, on lui en servit deux fois, et la seconde fois il m'a dit : "Chef, c'était très bon mais c'est plus la peine de m'en faire."»
Pourtant la légende a la vie dure et ce n’est pas un hasard : un plat peut en dire beaucoup sur un homme. En l’occurrence, la tête de veau est une somme de caractères : elle est un lien direct avec le terroir et l’animal dont on prélève le « masque de la tête » pour le cuisiner. Elle fait partie du « cinquième quartier » dans le vocabulaire des louchebems qui désignent ainsi les abats, morceaux choisis du patrimoine culinaire français tout à la fois « canailles » quand on les déguste au petit matin dans un bistrot de marché et bourgeois quand ils sont cuisinés sur les fourneaux des restaurants étoilés.
La tête de veau, c’est le pilier des menus ouvriers, des restaurants routiers (au menu complet du jeudi à 13,80 euros au Relais caladois à Villefranche-sur-Saône) comme du bistrot chic parisien Chez Benoît drivé par le chef multiétoilé Alain Ducasse (34 euros le plat). La sauce ravigote ou la sauce gribiche qui l’accompagnent traditionnellement sont aussi l’apanage des « bons vivants » dont l’hédonisme à table méprise l’âge des artères et le taux de cholestérol. Jacques Chirac aimait aussi les escargots farcis au beurre, évidemment.
La tête de veau restitue ainsi l’image d’un homme politique capable de casser la croûte au « cul des vaches » en Corrèze mais aussi rompu à toutes les subtilités des repas officiels où il composait avec les goûts de ses hôtes qui, parfois, partageaient avec lui le même appétit d’une bonne chère roborative.
Lors du dîner officiel donné le 5 juin 1996 en l’honneur du chancelier Helmut Kohl à la préfecture de Dijon, le chef Jean-Pierre Billoux cuisina à la hauteur de l’appétit des deux chefs hommes avec du jambon persillé en entrée et un bœuf charolais en plat de résistance. Ils aimaient aussi se régaler de choucroute Chez Yvonne à Strasbourg où Chirac et Kohl pouvaient satisfaire leur goût pour la bière.
Au chapitre des mangeurs de la Ve République, le général de Gaulle a laissé l’image d’un homme frugal porté sur les soupes et qui réglait avec son chéquier personnel les viandes des Boucheries nivernaises qui fournissent toujours l’Elysée. Georges Pompidou goûtait la cuisine de terroir quand Valéry Giscard d’Estaing restera l’homme de la soupe truffée que lui a dédié Paul Bocuse. On savait François Mitterrand gourmet quand le toujours pressé Nicolas Sarkozy, lui supprima les fromages pour raccourcir les repas à l’Elysée.
Elu en 1995 sur un slogan digne d’une injonction thérapeutique « Mangez des pommes », Jacques Chirac a été dans l’imagerie populaire l’homme d’une gourmandise tous azimuts. Capable de tout goûter au salon de l’agriculture où il pouvait passer jusqu’à six heures mais aussi curieux de toutes les cuisines du monde. Et chantre de cette commensalité à table incarnant le repas français, inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’Humanité.
Nous vous épargnons la recette de la tête de veau. En revanche, voici celle de la sauce gribiche de Paul Bocuse qui peut accompagner la tête de veau mais aussi une salade de poireaux, une viande ou un poisson froids.
Il vous faut :
- Trois œufs durs
- Un verre et demi d’huile d’olive
- Une cuillère à café de moutarde forte
- Deux cuillères à soupe de vinaigre de vin
- Un petit bouquet de ciboulette
- Trois cornichons moyens
- Une cuillère à soupe de câpres
- Un demi citron
- Du sel et du poivre
Écalez les œufs durs, séparez les jaunes des blancs. Dans un grand bol, écrasez les jaunes à la fourchette, ajoutez la moutarde, salez, poivrez au moulin. Ajoutez le vinaigre, mélangez bien le tout. Puis, à l’aide d’une cuillère en bois, montez les jaunes comme une mayonnaise en ajoutant progressivement l’huile d’olive sans cesser de remuer. Additionnez du citron pressé. Hachez grossièrement sur une planche les blancs d’œufs durs, la ciboulette et les cornichons. Incorporez le tout à la sauce ainsi que les câpres.
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