

Ode à un légume sec bon pour les papilles et la planète.
On sait, vous allez dire « Quoi encore des lentilles ? ». Ben oui, lentilles un jour, lentilles toujours. Alors louées soient les vertes du Puy et du Berry, la blonde de Saint-Flour et le lentillon rosé de Champagne. Sans compter les lentilles roses, dites « corail ».
Sous le titre « Vive les lentilles ! », Hélène Schernberg et Louise Browaeys ont publié en 2018 une bible gourmande sur le sujet aux éditions Terre vivante. Avant de se mettre aux fourneaux, les autrices ont tartiné une gouleyante introduction sur la lentille, star des légumineuses, qui faisait déjà de la figuration dans le Bible. Originaire d’Asie, elle a regagné du terrain en France puisqu’il s’en cultivait 15000 hectares en 2013 contre 4000 en 2007. C’est qu’elle est tout bénef la lentille. D’abord pour ses cultivateurs puisqu’elle s’approvisionne en azote directement dans l’air et génère moins d’émissions de gaz à effets de serre que d’autres cultures.
Et puis les lentilles, c’est une sacrée source de protéines, deux fois plus que le blé et trois fois plus que le riz. Quand elles font équipe avec les céréales, les légumineuses constituent une formidable alternative aux protéines animales, comme le prouvent les régimes alimentaires associant légumineuses et céréales : le blé et les pois chiches autour de la Méditerranée ; le dahl de lentilles et le riz en Inde ; le riz et le soja en Asie ; le maïs et les haricots rouges en Amérique du Sud, etc.
Pour nous qui maltraitons cette foutue planète, voici également une petite piqûre de rappel de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) : il faut 50 litres d’eau pour produire un kilo de lentilles alors qu’il en faut 4325 pour un kilo de volaille et 13000 pour un kilo de bœuf. Et puis la lentille, c’est bon pour notre vieille carcasse puisqu’elle procure un sentiment de satiété durable et favorise le transit intestinal.
Quand il nous regardait laver trois poignées de vertes du Puy, mon grand-père me mettait en garde. «Tu fais gaffe qu’il ne reste pas des saloperies dedans», qu’il disait, rapport à une mésaventure qu’il vécut durant la Première Guerre mondiale et devenue une véritable légende familiale. Sous la mitraille, on mit dans sa gamelle de poilu une louche de lentilles qu’il lapa sans prêter attention à cette ragougnasse. Jusqu’à la cuillère de trop quand un méchant bout de ferraille se ficha dans une de ses dents, lui causant une méchante douleur qu’il dût supporter durant trois jours. « On était en plein casse-pipe, racontait-il. Moi, ce n’était rien ma dent à côté des camarades qui se faisaient trouer la peau. Mais si tu savais ce que j’ai dégusté…»
Un jour, mon grand-père me dit qu’il avait peut-être survécu à cet orage d’acier-là parce qu’il avait «la rage que l’on soigne sa dent». Nous, on a toujours ses mots en tête quand on attaque le petit salé dont je vous ai mis ici la recette indémodable.
Le petit salé aux lentilles
1. La veille, faites dessaler les viandes salées ou fumées (palette, jambonneau…).
2. Le jour même, mettez les viandes dans une marmite avec un bouquet garni et un oignon piqué de deux clous de girofle.
3. Couvrez d’eau froide et faites mijoter durant une heure et demie.
4. A mi-cuisson, vous pouvez ajouter une saucisse de Morteau ou des saucisses de Montbéliard vingt minutes avant la fin.
5. Egouttez les viandes et garder un bol de jus de cuisson.
6. Cuisez des lentilles vertes du Puy (400g pour quatre personnes) dans trois fois leur volume d’eau froide, vingt à vingt-cinq minutes avec thym, laurier, gousse d’ail, poivre.
7. Egouttez-les et gardez un bol d’eau de cuisson.
8. Dans une cocotte, faites revenir deux oignons et trois carottes émincées.
9. Ajoutez les viandes, les lentilles et mouillez sans noyer avec les liquides de cuisson.
10. Laissez mijoter doucement quelques minutes en vérifiant le degré de cuisson selon votre goût. Salez et poivrez si besoin.
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