

Jacky Durand nous parle de sauge et de cuisine vagabonde.
Pour un samedi de printemps, vous allez nous parler plantes ?
La sauge. On la dévore du regard tous les matins dans un coin perdu de Paname. Là, elle est encore en boutons, prêts à éclore en fleurs bleus au dessus de ses feuilles veloutées. On veut parler de la sauge. Elle a résisté au gris pluvieux de l'hiver, aux assauts de la neige et la voilà qui darde de la tige en pleine terre ou pots. Car la sauge fait partie de ces microcosmos, de ces plaisirs minuscules que l'on peut cultiver chez soi, sur un rebord de fenêtre ou un coin de terrasse.
Tous les ans, quand revient le violet du lilas et le jaune des pissenlits, on a des envies de semer, d'herboriser. Amusez-vous donc avec le persil, la coriandre, la ciboulette et la roquette qui en ce moment fait de jolies fleurs blanches du côté du parc de la Villette à Paris.
Comme souvent en cuisine et au jardin, il faut savoir donner du temps au temps quand il s'agit de cultiver son petit jardin. Le persil, par exemple, est plutôt du genre à se faire tirer la feuille quand il s'agit de sortir de terre. Mais franchement, ça vaut le coup d'attendre ce traîne-savate qui embaume la salade de tomates et le foie de veau avec une pincée d'ail. Et puis, dites-vous qu'une fois installées sur vos plate-bandes ou dans votre jardinière, vos herbes ne seront pas du genre à prendre la clé des champs. Au contraire, une pratique répétée du persil plat nous a enseigné qu'il vous le rend bien quand vous prenez soin de lui avec des arrosages attentifs. Il va fleurir, vous donner des graines que l'on s'empressera de remettre dans la terre pour une nouvelle pousse.
Pour en revenir à la sauge, elle est un peu la plante à tout faire en cuisine, on aime particulièrement ses feuilles avec le porc. Vous faites des petites incisions dans votre rôti avec la pointe d'un couteau et vous introduisez des feuilles qui vont embaumer la viande. La sauge est aussi la compagne des volailles, du mouton, des fèves et des haricots. Quelques feuilles dans l'eau de cuisson des lingots du Nord, c'est fameux, comme le suggère Jean-Philippe Derenne dans sa « Cuisine vagabonde » publiée en 2007 chez Fayard Mazarine.
C'est un livre de chevet pour vous cette « Cuisine vagabonde » ?
Surtout quand reviennent les beaux jours et l'envie d'aller marauder les «trésors gratuits» chers à Jean-Philippe Derenne qui dit : « Ce sont les herbes des chemins et du bord des routes parmi lesquelles on sélectionne quelques remarquables légumes et aromates ; ce sont les feuilles de certains arbres, des fruits et des graines sauvages. Ce sont aussi les fleurs, humbles et naturelles, ou bien sophistiquées et cultivées. Ce sont les fruits cueillis ou tombés avant maturité. Ce sont tous ces produits, tous ces végétaux et animaux que négligent l'indifférent et le conformiste. Les regarder, les nommer, les considérer, en apprécier les qualité, sans misérabilisme ni préjugés, peut être une source de joie, voire de jubilation ».
On aime beaucoup les écrits culinaires de Jean-Philippe Derenne. Ce professeur de médecine est un fou de cuisine, un érudit des fourneaux. Il y a quelques années, il nous confiait : «J’ai appris à remplir les trous du temps en faisant mes courses sur le chemin de l’hôpital. En m’arrêtant par exemple au marché. Il y a des recettes comme les ragoûts que j’ai pris l’habitude de lancer dès le matin en prenant mon petit déjeuner.» La passion culinaire du professeur Derenne est devenue «son tricot de corps». «Elle m’accompagnait partout. Dans les villes de congrès, je faisais des détours par les marchés et les boutiques de matériel de cuisine.» Cette appétence était connue dans les murs de l’hôpital puisqu’un matin de 1995, un patient lui apporta dans son service des choux en provenance directe du marché de Rome : Marcello Mastroianni que Jean-Philippe Derenne visita jusqu’à sa mort.
Alors, ne vous privez pas de ces recettes vagabondes, comme ses « Lingots à la coppa rance ». Mais de la coppa moins âgée fera aussi l'affaire. Pour quatre personnes, il vous faut : 500 g de lingots ou de haricots tarbais secs ; 1 gros oignon épluché et finement émincé ; 50 g de graisse d'oie ; 100 g de coppa ; une branchette de sariette ; une feuille de sauge ; sel et poivre.
Si nécessaire, faites tremper la coppa 24 heures et changez l'eau. Coupez-là en morceaux. Faites tremper les haricots secs pendant douze heures avec la sariette et la sauge. Rincez sous le robinet et égouttez. Faites revenir l'oignon dans une cocotte à fond épais avec la graisse d'oie. Faites blondir, puis légèrement roussir. Ajoutez la coppa, les herbes aromatiques, le sel et le poivre. Mouillez à hauteur. Faites cuire à petit feu pendant deux heures à couvert.
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