

Alors que tombent les premier flocons et que baissent les températures, ce matin Jacky Durand nous fait partager une recette de vin chaud
- Jacky Durand Journaliste culinaire à Libération et chroniqueur le samedi sur les Matins de France Culture
Cette semaine, on a entrevu la neige. Je dis bien entrevu car c’était depuis la petite fenêtre du train. On précise même qu’il neigeotait puisqu’il s’agissait de minuscules flocons qui tombaient, pressés, drus, et de biais. Vous savez, nous, c’est fou ce que la première neige nous émeut. Comme le souvenir d’un premier rendez-vous, d’un premier livre, d'une première gorgée de Condrieu. Il y a quelque chose de la vie qui va dans le flocon nouveau mais aussi d’une petite mort, celle des dernières feuilles des arbres, des salades au jardin.
Ici, je ne vous parle pas de la neige pimpante des montagnes et des stations-bling-bling de ski. Non, je veux évoquer les flocons un peu résignés qui font une fine pellicule sur les plaines et les boulevards. Ca, c’est la neige prolo qui vous gèle les pieds quand vous attendez le bus, qui vous agace les mirettes quand vous pédalez en dessous des vols de corbeaux. C’est la plaie des premiers jours de décembre, mais, au fond, on l’aime bien cette neige-la
Fermez les yeux, on est samedi matin : vous ouvrez les volets et vous humez l’air qui sent le feu de bois en provenance, quelque part, d’un poêle. Là-haut, le ciel est couleur pierre de lune. On songe aux paroles de Stephan Eicher quand il chante « Déjeuner en paix » :
« Je regarde sur la chaise le journal du matin
Les nouvelles sont mauvaises d'où qu'elles viennent
Crois-tu qu'il va neiger ? me demande-t-elle soudain
Me feras-tu un bébé pour Noël ? " »
Et soudain dans la mire de notre mug de café, on voit poindre les premiers flocons qui d’ailleurs nous plantent de fameux crocs de faim dans le ventre. Car la neige est une formidable page blanche pour qui veut cuisiner.
Il vous faut des flocons pour vous mettre aux fourneaux ?
Disons qu'il y a dans la neige beaucoup plus que l'évocation des blancs d'oeufs battus. Dire que l'hiver renforce le côté « heimat » de la cuisine peut sembler un lieu commun. Mais derrière la réserve de patates, les conserves de mirabelles, le jambon accroché au plafond, tout ce qui peut incarner l'autarcie, l'autosuffisance du boire et du manger pour affronter les mauvais jours, il y a un drôle de paradoxe : l'hiver appelle l'évasion des papilles, les aliments de l'autre bout de la terre, des tropiques. Regardez comment l'orange, fruit du grand soleil et de l'azur est sur nos tables quand il fait froid. Décembre, c'est aussi la saison des litchis, des mangues, des dattes que l'on fourre de pâte d'amande, de la cannelle embaumant le vin chaud et les Bredele, ces biscuits que l'on confectionne en Alsace.
Alors, nous, quand la neige revient, ce n'est pas la tartiflette qui nous fait saliver mais moult épices qui embaument et réchauffent le boire et le manger. On est un peu comme un Anglais sous la pluie rêvant de voiture décapotable. On projette de confectionner un chutney de Noël avec pommes, fruits secs et quatre-épices pour accompagner la dinde. On songe aussi à une marmelade de clémentines avec des graines de coriandre.
Je sais Caroline, ce n'est pas raisonnable mais on a envie pour l'occasion de vous conter la recette du vin chaud, ce breuvage tout-terrain de l'hiver que l'on boit aussi bien sur la ligne bleue des Vosges qu'autour d'un brasero de marrons chauds. Les Romains en consommaient déjà, c’est dire s’il vient de loin ce vin chaud que l’on apprécie aussi bien en Scandinavie (glögg en Suède) qu’en Allemagne (Glühwein) et en Angleterre (mulled wine).
La recette :
Elle nous vient de la Tribu des gourmets du vin d’Alsace-Strasbourg qui sublime le vin blanc, car vous verrez, c'est bien meilleur qu'avec du vin rouge.
Pour un litre de vin chaud : mettez à chauffer doucement 1 litre de blanc d’Alsace bien sec, comme un riesling. Coupez une orange et un demi-citron en petits morceaux, incorporez-les dans le vin. Ajoutez 3 bâtons de cannelle et 2 anis étoilés, ainsi que 10 morceaux de sucre (50 grammes). Mélangez doucement, surtout au début, afin de bien délayer le sucre. Lorsque le vin est bien chaud, rajoutez une bonne cuillère à soupe de miel, de préférence de sapin des Vosges. Mélangez bien pour que le miel s’incorpore entièrement. Couvrez et faites chauffer jusqu’à frémissement (surtout ne pas bouillir), laissez infuser le tout au moins une demi-heure. Réchauffez légèrement avant de servir.
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