Les mecs, mettez-vous aux fourneaux !

  - Westend61
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Il est temps que nous autres les mecs, on se mette vraiment aux fourneaux. Quand je dis vraiment, cela signifie tous les jours. Et pas seulement pour le barbecue des vacances et, parfois le poulet du dimanche.

C’est vrai quoi, le reste de l’année, avec son emploi du temps de ministre, le déjeuner des chefs du lundi, la révision de la BM, son club du cigare le mercredi soir et le foot du samedi matin, l’homme moderne n’a absolument pas le temps de mettre le nez dans les casseroles. Alors que vous mes reines, vous avez tout votre temps, hein, entre la rougeole du petit dernier, la machine à laver qui a rendu l’âme, la baby-sitter qui est tombée amoureuse de votre aîné, la réunion parents-profs du vendredi et accessoirement votre job de toute la semaine. 

«Accessoirement», je dis, parce que votre homme quand il rentre ce n’est pas pour s’enquérir de votre poste à l’usine, de votre vie de bureau, du protocole d’essais thérapeutiques sur lequel vous êtes en train de plancher à l’hôpital, de cette classe de troisième qui vous donne du fil à retordre. Non, le mâle, ce qu’il veut quand il se pose devant Netflix, c’est savoir ce qu’il aura dans sa gamelle. 

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Faites l’essai, un jour, alors qu’il est vautré sur le canapé, lancez lui donc : « T’auras rien mon vieux, les enfants ont dîné. Maintenant, le frigo est vide pour toi. Tu peux aller chez le traiteur asiatique ou au kebab» Vous compterez quelques secondes de flottement silencieux et votre mammouth rugira, angoissé : «C’est quoi ça, t’es fâchée , mon Amour ?».

Tandis que quand la tribu prend ses quartiers d’été, monsieur entend soulager madame d’une partie de son fardeau domestique avec ce sens aigu qu’ont les hommes de se croire uniques, irremplaçables. Et s’ils cuisinent le dimanche, c’est pour atteindre le sublime, comme aurait dit Marguerite Duras. Vous les verrez rarement en train d’équeuter une cagette de haricots verts pour les mettre en bocaux. En revanche, revenir du marché avec un turbot qu’il veut cuisiner au beurre blanc «comme maman» ou un gigot qu’il fera cuire sept heures pour une dégustation à la cuillère, ça, il sait faire le mâle fier comme un chasseur avec ses deux filets à commissions. Et, quand vous lui faites remarquer que c’est dans un quart d’heure que l’on mange, il prend sa mine de grand esprit incompris.

Grosso modo, on reconnaît deux grands rôles-titres aux mâles qui fricassent : grand ordonnateur du barbecue et grand prêtre d’une recette unique, souvent héritée de maman ou de grand-maman. On ne va pas déranger Gaston Bachelard, Yves Coppens et Sigmund Freud pour nous faire la causette sur le sujet, mais on soupçonne que ça fait un bail que ça dure, cette histoire de mecs qui jouent avec le feu pour la tambouille. On les imagine à Lascaux, entre deux tags d’aurochs en train de faire des étincelles en percutant deux silex pour faire griller un onglet de mammouth. L’homme moderne est un peu plus feignasse avec ses allume-feu, son charbon de bois, son barbecue carrossé comme une calandre de Mercedes et son beau tablier de la fête des Pères. Car les mecs sont tous pareils : donnez-leur un jouet, ils veulent le magasin. A peine ont-ils grillé leur première merguez qu’ils revendiquent la Rolls du barbecue.

Et surtout n’allez pas croire que votre cuisinier à la recette unique soit moins exigeant que son homologue du barbeuc. C’est le genre à vous tomber dessus car il lui faut la cocotte en fonte diamètre 34 cm pour cuisiner son bourguignon ou un fourneau Lacanche pour son gigot de sept heures. 

La recette ! 

Et non! Mais je lance un cri du cœur : Messieurs, investissez la cuisine dans la simplicité du quotidien : faites cuire les nouilles, ajoutez un bout de beurre. Apprenez à faire une soupe, trois patates, trois carottes, un oignon, un poireau. Battez l’omelette, tournez la mayonnaise, râpez les carottes. Et surtout, surtout, cuisinez à quatre mains avec Madame. Vous verrez que c’est l’occasion de faire un joli brin de causette en épluchant les patates entre deux gorgées d’aligoté. Eh oui, il n’y a pas que l’alcôve pour l’intimité, il y a aussi la cuisine.