

Ce week-end, on mijote une soupe paysanne alsacienne pleine de légumes et de souvenirs.
Aujourd’hui, je plonge dans la soupe... parce que la soupe est un monde en soi dans lequel j’ai baigné. Alors je vous ai écrit un petit récit, nourri de souvenirs glanés çà et là au fil de discussions avec des camarades de frichti.
C’était hier, c’était il y a un siècle. Imaginez un jour de novembre, frisquet, brumeux, juste après la sortir de l’école. On faisait quatre heures avec nos pères qui s’en revenaient de l’usine. Pain et chocolat pour les mômes, flan, œufs ou semoule au lait pour les aînés. Parce que les darons avaient besoin de douceur sucrée pour faire passer la limaille de l’atelier, la poussière de la fonderie.
Après, on les accompagnait au jardin où l’hiver avait déjà pris ses quartiers. De la terre noire et froide, ils arrachaient un chou, un poireau, parfois une poignée de navets s’il n’avait pas gelé. Nous, on écoutait passer les trains en contrebas du potager. Après, il y avait l’usine avec sa grande cheminée en brique. Parfois, on avait le droit d’y accompagner le père le dimanche qui allait vérifier si les pièces produites durant la semaine séchaient bien.
Au fond, pour nous, minot, le monde du quotidien était simple, lisible : il y avait la maison, l’école, l’usine, le jardin et la soupe.
Après avoir arraché les légumes, le daron nous entraînait à la cave. Il n’y faisait ni trop chaud, ni trop froid. Un vrai garde-manger quoi où l’on se ravitaillait en patates dans le silo grillagé confectionné par le vieux. Il y avait aussi les carottes conservées dans le sable ou la sciure ; les haricots secs qui séchaient accrochés à une poutre. On aimait bien les égrener ceux-là. Et puis dans la cave, il avait une sorte de trésor caché dans un gros pot de grès : le saloir où l’on conservait le lard du cochon qui vous faisait un fameux bouillon.
Après, on avait le droit d’allumer le transistor dans la cuisine et de couper les légumes : en carrés pour les patates, en rondelles pour les carottes. Les poireaux, c’était plus compliqué parce qu’il fallait débusquer les grains de terre entre les feuilles. C’était du domaine de l’expertise maternelle. Tout comme l’usage du moulin à légumes après la cuisson. On avait juste le droit de tourner un peu la manivelle et de râper le Comté que l’on aimait tant dans la soupe. Le daron, lui, lisait son journal, commentait les avis de décès et les faits-divers en page 3. Je sais, vous allez me dire, « mais il ne foutait rien en cuisine » et c’est vrai. Mais pour rien au monde, il n’aurait raté le temps de la soupe. Parce que c’était pour lui un moment de paix, loin de la dureté de l’usine et aussi de la noirceur de son enfance où la soupe était plus souvent à la grimace qu’au sourire. C’est peu dire qu’il y a beaucoup d’intime dans la soupe chère Caroline.
Une recette de soupe "alsacienne"
Ce week-end, tentez donc la soupe paysanne de Gérard Goetz dans "Alsace, un paysage gastronomique, 110 recettes, 40 produits", un très beau et bon livre à offrir pour les fêtes, publié aux éditions de
La Martinière.
Pour six, huit personnes, il vous faut :
- 2 litres de fond de volaille
- 300 g de saucisse de Strasbourg ou de saucisse fumée ;
- 40 g de beurre ;
- 1 kilo de pommes de terre ;
- 500 g de carottes ;
- 1 beau poireau ;
- 300 g de céleri boule ;
- 2 oignons ;
- 2 gousses d’ail ;
- 2 feuilles de laurier frais ;
- 30 g de persil plat ;
- 30 g d’oseille fraîche ;
- 30 g de ciboulette ;
- 30 g d’estragon ;
- du sel et du poivre.
Epluchez les pommes de terre, les carottes et le céleri. Lavez, puis coupez ces légumes en dés de 2 cm de côté. Lavez, puis coupez le poireau en tronçons. Epluchez et émincez les oignons finement. Epluchez et hachez l’ail. Dans un faitout, faites suer l’ail et l’oignon dans le beurre sans colorer. Ajoutez tous les légumes, mouillez avec le fond de volaille, ajoutez une pincée de sel et de poivre. Laissez cuire une heure, à feu doux, à couvert. Emincez toutes les herbes. Réservez.
Coupez la saucisse en tronçons, plongez-les dans la soupe trente minutes avant la fin de la cuisson. Quand la soupe est prête, hors du feu, rectifiez l’assaisonnement, ajoutez les herbes et servez bien chaud. Vous pouvez ajouter à cette soupe des haricots blancs, des pois cassés, des lentilles que vous aurez trempés dans l’eau froide quelques heures auparavant. Il faudra dans ce cas faire cuire la soupe plus longtemps.
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