

Ode à un plat fétiche du nouveau Solide almanach nourricier auvergnat.
Ca pince, ca pique et moi comme toujours quand ça sent la neige, le givre et la pluie verglaçante, j’ai envie de mijoter du lourd, de la charcutaille et des légumes secs qui vont chantonner dans la marmite. Je vais chouchouter la potée au chou, le pot-au-feu, la garbure et le cassoulet. Pour un peu, la cocotte en fonte bien remplie me servirait de bouillote sous l’épaisse couverture surpiquée que je préfère à la couette. Car oui, je hais les couettes depuis le temps que je ne suis pas foutu de les insérer dans leurs housses.
Alors oui, vive le gras et la fonte avant d’aller comater sous l’édredon avec un bon vieux Jim Harrison dont les mots demeurent aussi beaux qu’un kipper, vous savez ce hareng fumé qui ressemble à un poisson d’or que l’on dévore avec des patates et un thé noir comme une nuit sans lune.
C’est l’écrivain Georges Perec qui m’a inspiré cette semaine. Dans « La vie mode d’emploi », il mentionne notamment les saucisses aux lentilles qui sont pour moi le plus beau couple de l’humanité après Lauren Bacall et Humphrey Bogart. Non, non je n’exagère pas, pour un plat de saucisses lentilles, je serai capable de monter au braquo dans le bouclard du coin, de dézinguer le passe-plat au lance-roquettes et de saucissonner le chef jusqu’à ce qu’il me donne ma dope.
Car la saucisse lentilles est l’un des plus beaux hyménées de la bouffe, capable de rassembler le bleu de chauffe et le col blanc, les aminches et les tourtereaux, Madame Bovary et Iggy Pop, Bonnie and Clyde, Roux et Combaluzier.
C’est peu dire, je vous ai déniché THE recette de saucisses lentilles, que dis-je une pépite, un graal. Elle provient du Solide almanach nourricier, édition 2022. L’année dernière, je vous avais déjà parlé de la première édition de ce livre manifeste aussi gourmand qu’érudit publié par l’association Etonnant Festin à Clermont-Ferrand. On ici autant dans l’éducation populaire, la culture et l’agriculture, l’histoire et l’anecdote qui mijotent dans le grand chaudron de la cuisine des quatre saisons en Auvergne et dans le Massif central. On est autant au fourneau qu’au jardin avec des conseils pour faire pousser au mieux les carottes et la mâche. On va bien sûr à la rencontre des producteurs comme la distillerie Louis Couderc, alchimiste de la « fée jaune » qu’est la liqueur de gentiane née de la macération de racines extraites des terres volcaniques.
On retrouve dans cet almanach une flopée d’adresses de producteurs qui mériteront le détour lors de votre prochaine virée dans le Massif central. On en pince déjà pour les saucisses de la maison Laborie à Parlan dans le Cantal pour accompagner nos lentilles.
Vous pouvez commandez Le solide almanach nourricier sur le site Internet de l’ Etonnant Festin où vous trouverez également des points de vente dans la région de Clermont-Ferrand.
Je vous ai bien sûr posté sur le site de France Culture la recette de saucisses lentilles de l’almanach
La recette de saucisses lentilles
En général il faut compter 70 grammes de lentilles par personne, qu’elles soient vertes de Limagne, vertes du Puy ou blondes de Saint-Flour.
1. Dans une cocotte en fonte, une casserole à fond épais, voire une poêle à bords un peu hauts, faire dorer une tranche de ventrèche, de lard salé, détaillé en morceaux, dans de l’huile d’olive, une lampée.
Si vous ne mangez pas de viande, faire chauffer simplement votre huile d’olive.
2. Ajouter carotte, céleri rave, oignon et ail pelés et détaillés en morceaux, gros comme un bout de doigt. C’est une image, ne pas mettre de bout de doigt. Pour la quantité de légumes, à peu près autant que de lentilles.
3. Faire sauter vivement jusqu’à légère coloration des légumes.
4. Ajoutez les lentilles, et roulez-les dans la cuisson des légumes. Mouillez, avec du bouillon ou de l’eau en comptant deux fois le volume de lentilles. Assaisonnez avec thym et laurier.
Ne surtout pas saler en début de cuisson pour éviter de durcir les lentilles.
5. Dès ébullition, si vous voulez manger des saucisses, pocher celles-ci trois à quatre minutes dans la cuisson des lentilles. Egouttez-les et les mettre dans une poêle avec une lampée d’huile d’olive ou de saindoux pour les colorer. La cuisson finale des saucisses se fait en gros une dizaine de minutes avant la fin de celle des lentilles. Sachant que plus loin nous vous disons que les lentilles cuisent en à peu près vingt minutes, démarrez le poêlage des saucisses dix minutes avant la fin de cuisson des lentilles.
6. Pour le choix des saucisses, la grosse saucisse auvergnate, hachée gros, parfois dénommée de Toulouse, ce qui est assez bizarre, est parfaite. Si vous êtes amateur de saveur fumée, une belle Morteau juste cuite vingt minutes à l’eau est aussi parfaite. Sinon vous pouvez partir à l’aventure. Pour une aventure pas loin et assez tranquille, les chipolatas, que le sud de l’Auvergne appelle godiveaux, simplement grillées à la poêle, sont toujours parfaites. Plus aventureux, une paire d’alheira, saucisse au poulet portugaise de la région de Mirandela, que les camarades portugais se procurent dans toute bonne épicerie lusitanienne locale, cuites tranquillement au four sont encore parfaites. Sinon, choisissez les saucisses que vous préférez, personne ne vous en voudra : saucisse de couenne, aux pommes de terre, au chou, sabodet, courade.
7. Si vous ne mangez pas de viande, un tofu, bio (sans OGM), parfois fabriqué en France, proposé dans sa version ferme, en fait mieux égoutté qu’un tofu soyeux, pourra aussi se griller. Détailler le tofu en tranches d’un centimètre d’épaisseur, et marinez dans un peu de sauce soja et du gingembre râpé. Vous poêlerez, pour colorer chaque face, ces tranches de tofu, dans un soupçon d’huile.
8. Vos lentilles seront cuites quand elles seront tendres sous la dent, soit environ après une vingtaine de minutes de cuisson. C’est seulement une fois cuites que vous pourrez les saler.
9. Pour servir ce grand classique auvergnat, une poignée de persil simple ou de ciboule grossièrement ciselée apportera un peu de verdeur.
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