Blanquefort : une impuissance volontaire ?

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Alors que l'administration vient de valider le plan de sauvegarde de l'emploi qui scelle la fermeture du site de Blanquefort, on ne peut s'empêcher de s'interroger sur ces fermetures d'usines qui se suivent sans que l'Etat n'adopte de politique industrielle véritablement ambitieuse.

C’est officiel, l'administration a validé le plan de sauvegarde de l'emploi qui scelle la fermeture de l'usine Ford de Blanquefort. Mais derrière cette novlangue ordinaire du néolibéralisme, il faut entendre « fermeture d’usine et licenciement », car c’est bien ce qui attend une part importante des 850 salariés de l’usine Ford. 

Selon les syndicats, la moitié des travailleurs serait en effet licenciée, l’autre moitié placée en pré-retraite et quelques uns, seulement, bénéficieraient d’un reclassement dans une autre usine Ford de la région. 

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Cette décision vient donc acter la fermeture d’un site industriel, présent aux portes de Bordeaux depuis plus de 50 ans. Au début des années 1970, la firme américaine cherche à s’implanter en France. Le Premier ministre d’alors, Jacques Chaban-Delmas, qui n’est autre que le maire de la ville girondine, fait alors peser la balance en faveur de son territoire et obtient l’installation de Ford à Blanquefort. 

Le site est ouvert en grande pompe par Henry Ford, président du groupe et petit-fil du fondateur. Une trentaine d’année plus tard, à son apogée, l’usine compte près de 3 600 salariés, équipant en boîtes de vitesse un véhicule Ford sur cinq dans le monde.

Mais en 2008, après plusieurs réductions d’effectifs, le groupe américain décide de vendre le site à l’Allemand HZ Holding. Une reprise qui s’avère un échec et force les américains à reprendre le contrôle de l’usine en 2010, avant d’annoncer en 2018 qu’ils se séparent définitivement de leur site emblématique. Cette décision n’est donc que l'épilogue d’un feuilleton savamment orchestré par la firme américaine pour se débarrasser de son usine. 

Une fermeture d’autant plus incompréhensible que l’usine de Blanquefort rapportait de l’argent à son entreprise mère. Mais cette décision de Ford s’ancre en réalité dans une logique bien plus vaste de réduction des coûts du groupe américain, passant par une fermeture rapide de plusieurs de ses usines. Et ce, alors même que le groupe Ford a vu son bénéfice net s’envoler de plus de 65% en 2017. 

Des logiques de court-termisme financier encore plus scandaleuses quand on sait que des repreneurs potentiels existaient, au premier rang desquels le belge Punch Powerglide. Celui-ci se proposait de reprendre l’activité de l’usine permettant ainsi de sauver plus de la moitié des emplois de Blanquefort. Une offre que les Américains ont pourtant repoussé d’un revers de main, estimant qu’il « n’offrait pas le niveau de sécurité et protection requis ». 

Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire a lui-même dénoncé une logique financière destinée uniquement à faire monter le cours de l’entreprise en bourse. Mais le problème c’est que derrière les discours, les actions peinent à suivre. Après avoir dénoncé à l’envi l’attitude indigne du constructeur américain, le ministre a finalement déclaré hier que  « Ford paierait pour la dépollution du site de Blanquefort et que le plan social à venir était généreux et protecteur pour les salariés ». 

Les syndicats estiment de leur côté que cette convention était prévue de longue date et dénoncent l’impuissance volontaire du gouvernement sur cette question. 

Aussi, de nombreuses voix, à gauche comme à droite, se sont fait entendre pour proposer une nationalisation temporaire du site

Mais oui. Une nationalisation qui permettrait de maintenir l’emploi,  d’accompagner et de consolider l’activité en attendant de trouver un repreneur. Le Ministre de l’économie lui-même estimait en décembre que s’il fallait « que l'Etat fasse la transition, rachète le site pour le revendre [ensuite], cela ne lui posait aucune difficulté ». 

Ce dernier a manifestement changé d’avis puisqu’il a expliqué il y a quelques jours que l'Etat n’avait pas vocation à produire des boîtes de vitesse. Une volonté de préserver la cohérence du portefeuille de l'Etat qui a pourtant de quoi étonner quand on sait que l'État possède des participations dans des entreprises aussi diverses que Danone, qui produit des yaourts, Trandev qui fait rouler des bus, ou même la Compagnie des Alpes qui exploite des pistes de ski. 

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