Brexit : les illusions du marché de l'emploi britannique

Theresa May
Theresa May ©Getty
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Alors que le parlement britannique doit se prononcer aujourd'hui sur l'accord de sortie de l'UE et que se multiplient les prédictions sur l'impact économique de ce dernier, difficile de ne pas s'interroger sur la situation paradoxale du marché de l'emploi britannique et sur ses conséquences.

Alors que la chambre des communes britannique doit se prononcer aujourd’hui sur l’accord de sortie de l’UE, vous avez choisi de revenir sur la situation paradoxale de l’emploi outre-Manche. Avant le vote de ce soir, à la Chambre des communes, il était intéressant de s’interroger sur les liens qui peuvent exister entre un marché du travail libéralisé, flexibilisé, et la sortie programmée du royaume de l’Union européenne. 

La Première ministre, Theresa May, doit en effet soumettre au vote du Parlement britannique l‘accord conclu avec Bruxelles. Accord qui n’a que peu de chance d’être adopté, puisqu’il est critiqué à la fois par les partisans du Brexit et par ses opposants, qui espèrent encore éviter une sortie britannique de l’Union. Theresa May, elle-même, ayant prévenu qu’en cas de rejet du plan, le Royaume-Uni, pourrait avoir à renoncer au Brexit. 

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Si on peut s’interroger sur la validité des conclusions tirées par Mme May, qui ressemblent en réalité plus à une mise sous pression de sa majorité qu’à une projection objective, il est indéniable que le Royaume-Uni se trouve dans une situation inédite et hautement instable. 

Une instabilité politique qui pourrait se répercuter sur l’économie britannique. Il semblerait ainsi que, depuis l’annonce des résultats du référendum, pas un jour ne passe sans qu’une étude, un rapport, vienne démontrer les conséquences potentiellement désastreuses d’une sortie du Royaume de l’UE et, a fortiori, d’une sortie sans accord.

La Banque d’Angleterre s’est ainsi essayée à cet exercice de divination économique, en livrant à la fin de l’année dernière, un rapport dans lequel elle prévoit un effondrement de 25% de la livre sterling, une baisse de 10% du PIB britannique et une hausse du chômage de 7,5%. 

Une hausse du chômage qui tomberait au plus mauvais moment, alors que le gouvernement britannique faisait de la baisse historique du nombre de demandeurs d’emplois, un argument en faveur de sa politique. Avec force tambours et trompettes, la Première ministre a ainsi salué la baisse historique du taux de chômage, atteignant les 4% au mois d'août dernier, une première depuis près d’un demi siècle.

Mais derrière ces brillantes statistiques, il faut aussi s’interroger sur la qualité des emplois créés et la réalité de la situation économique en Grande Bretagne. Car comme le rappelle un article de Libération, cette baisse du chômage s’est accompagnée d’un resserrement des salaires, d’une hausse de l’inflation et d’une explosion du nombre de travailleurs pauvres. 

Il faut dire que cette baisse du taux de chômage est largement due à une multiplication des emplois précaires, petits boulots et autres jobs indépendants. Ces derniers ont explosé au Royaume-Uni depuis une dizaine d’année, grâce à la libéralisation et la flexibilisation toujours plus importante du marché du travail. Sur le même principe que les réformes Hartz/Schröder, menées en Allemagne au début des années 2000. 

On a ainsi vu se développer les fameux contrats "zéro heure". Ceux-ci ont même été multipliés par cinq depuis 2010 et concernaient en 2018 près d’un millions de travailleurs outre-manche.  Des contrats qui ont la particularité de n’offrir aucune garantie au salarié en matière d’heures travaillées. En clair, l’employeur n’a pas à indiquer de minimum horaire, le salarié travaillera quand on aura besoin de lui et gare à ce dernier, s’il n’est pas disponible à tout instant pour répondre présent. 

On se rappelle ainsi des images d’ouvriers au XIXe siècle, se levant au point du jour pour tenter d’obtenir une journée de travail à l’usine, de ces fermiers mis en concurrence pour avoir le droit d’exploiter la terre, eh bien il s’agit ici d la même logique. 

Difficile donc, au moment où le Royaume-Uni affronte l’une des pires crises de son histoire de ne pas s’interroger sur les origines profondes de cette instabilité.

Car il est frappant de voir les dirigeants britanniques se féliciter de leurs résultats en matière de lutte contre le chômage, sans s’interroger sur les conséquences en matière de précarisation et de fragilisation des travailleurs. Frappant de ne pas faire le lien entre trente ans de politiques néolibérales et la décision des britanniques de quitter l’UE, symbole le plus manifeste de ces politiques. Frappant, enfin, de voir les dirigeants britanniques déplorer les conséquences dont ils chérissent par ailleurs les causes.

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