En marche vers un journalisme d'Etat ?

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Emmanuel Macron a évoqué l'idée de créer une structure financée par l'Etat pour assurer la neutralité des médias. Une proposition, qui reviendrait à voir des journaliste payés par le pouvoir pour vérifier la qualité et la fiabilité du travail de leurs confrères, qui a de quoi nous interroger.

Le journaliste du Point, Emmanuel Berretta a décidé, dans une vidéo intitulée « Elysée confidential » de rendre compte de cette discussion avec Emmanuel Macron. Le Président s’est ainsi déclaré inquiet du « statut de l’information et de la vérité » dans notre pays, jugeant urgent de rétablir des « tiers de confiance » et une certaine hiérarchie des paroles entre les intervenants médiatiques. 

L’allusion est très claire : le Président trouve scandaleux qu’on donne dans les médias la même place à un membre de son gouvernement et au tout venant. Ce fameux « Jojo le gilet jaune » qui aurait désormais le même statut qu’un ministre ou un député sur les plateaux télé. 

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Le président de la République s’est également interrogé sur les manières de « recrédibiliser les médias » et de « faire la part du vrai et du faux ». Des formulations qui posent elles-mêmes question. On peut en effet se demander qui sera à même de séparer le vrai du faux, qui viendra, dans sa grande sagesse, départager le bon grain de l’ivraie et livrer au bon peuple français la vérité révélée. Mais le Président de la République a semble-t-il une réponse : ce serait à l'Etat d’agir pour assurer cette neutralité.

Le Président aurait ainsi déclaré que l’information était un bien public, se trouvant, je cite, sur « BFM, LCI, TF1 » ou ailleurs et qu’il fallait donc « financer des structures pour assurer leur neutralité ». Cette « vérification de l’information » pourrait ainsi venir des journalistes eux-mêmes, au sein d’un dispositif financé par l'Etat. 

En réfléchissant tout haut à l’avenir des médias, le Président de la République ne propose ici pas autre chose que des journalistes payés par le pouvoir  pour vérifier la qualité de l’information diffusée par leurs propres confrères. Une conception de l’indépendance journalistique, assujettie à une prétendue neutralité définie par le pouvoir, qui a de quoi laisser pour le moins songeur.

La question du fonctionnement des médias se pose pourtant dans une période particulièrement difficile pour les médias et la presse en particulier. Mais au lieu d’imaginer un dispositif de contrôle des médias par le pouvoir, le Président aurait pu s’interroger sur les moyens d’assurer cette indépendance dans un contexte de concentration extrême de ces médias, détenus par une poignée de milliardaires français. 

C’est d’ailleurs le coeur des travaux de l’économiste Julia Cagé, qui proposait récemment de repenser intégralement la gouvernance et le modèle économique des médias pour leur assurer une plus grande indépendance et favoriser leur pérennité. 

L’économiste propose ainsi de créer un nouveau statut : celui de société de média à but non lucratif. Une nouvelle entité juridique proche de la SCOP qui permettrait de favoriser l’apport de capitaux, tout en encadrant le pouvoir décisionnel des actionnaires. Au-delà d’un certain apport, les droits de vote progresseraient ainsi moins vite que le nombre d’actions détenues.

Ce statut permettrait ainsi de lever des fonds pour que les médias soient financés et viables tout en garantissant un fonctionnement démocratique, empêchant la prise de pouvoir par des oligarques extérieurs.  Si ce modèle est sujet à débat et ne concerne qu’une partie de la presse écrite, il permet néanmoins de s’atteler aux véritables dangers qui pèsent sur l’indépendance médiatique, sans consentir à une reprise en main par le pouvoir souverain.

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