Une pétition lancée par la Fédération de l’agriculture biologique réclame l’interdiction de la production de fruits et légumes bio sous des serres chauffées hors saison, une "aberration gustative, agronomique et environnementale, en contradiction profonde avec les valeur portées par la bio".
Lancée par la Fédération de l’agriculture biologique et plusieurs associations de protection de l’environnement, dont Greenpeace et le Réseau Action Climat, une pétition réclame l’interdiction de la production de fruits et légumes bio sous des serres chauffées hors saison et dénonce une « aberration gustative, agronomique et environnementale, en contradiction profonde avec les valeur portées par la bio ».
Car oui, la pétition parle bien de la bio, qui ne renvoie pas simplement à la production de fruits et légumes sans pesticides, mais bien à une philosophie, un projet de société qui allie une alimentation de qualité, un respect de l’environnement et de la biodiversité et une juste rémunération des agriculteurs.
Or le risque est justement de voir l’agriculture estampillée biologique se faire phagocyter par les logiques productivistes et industrielles de l’agriculture dite conventionnelle. Avec une augmentation de la demande de 17% l’année dernière, l’agriculture biologique commence en effet à aiguiser l’appétit des autres producteurs.
Il faut dire que si les serres chauffées représentent encore une très faible part de la production biologique, leur potentiel de croissance est très fort. Si, pour l’instant, les installations de serriculture représentent à peine 0,2% de la production bio en France, leur développement est largement encouragé par les poids lourds de l’agriculture conventionnelle, la FNSEA, le réseau Coop de France ou encore l’Assemblée des Chambres d’agriculture. Ainsi, comme le rapporte Libération, la construction d’une centaine d’hectares de serres est déjà prévue en Bretagne et dans les Pays de la Loire.
Des projets en cascade qui ont fait réagir des acteurs de la filière biologique, voyant dans ce type de dispositif un non-sens environnemental, incompatible avec le label bio. Ces derniers font ainsi valoir dans la pétition que l’obtention de ce label impose impose le « respect des cycles naturels » et une « utilisation responsable de l’énergie ».
« Chauffer une serre pour produire des tomates ou des concombres en plein hiver ne peut donc être compatible avec l’agriculture biologique » poursuit la pétition, surtout quand on sait qu’aujourd’hui 80% de ces espaces de culture sont chauffés au gaz ou au fioul. Ainsi, selon une étude de l’Ademe, une tomate produite sous serre émet 8 fois plus de gaz à effet de serre qu’une tomate produite en saison.
La question devrait être tranchée le 11 juillet prochain, lors de la réunion du Comité national de l’agriculture biologique. Prévu dans un premier temps à la fin de l’année dernière, le vote a finalement été reporté sous la pression des acteurs conventionnels. Ces derniers s’opposent en effet à l’adoption d’un texte expliquant que le « chauffage des serres est possible » mais seulement « dans le respect des cycles naturels, lorsqu’il utilise des ressources renouvelables produites sur l’exploitation ».
Un texte inacceptable pour les acteurs de l’agriculture non-biologique qui estiment que de telles règles, imposées aux agriculteurs français, les désavantageraient face à leurs concurrents et reviendrait à faire une croix sur une production bio française de qualité.
Les auteurs de la pétition dénoncent de leur côté une industrialisation du bio. Une capture de la filière par l’industrie qui, au-delà des gaz à effet de serre émis, serait contraire à la démarche agronomique défendue par le modèle biologique. Car comme l’explique Sophia Majnoni, déléguée générale de Fédération nationale d’agriculture biologique, « les systèmes fondés sur le chauffage doivent, pour être rentables, se spécialiser sur des monocultures à forte valeur ajoutée comme la tomate ou le concombre, avec à la clef moins de rotations et un appauvrissement de la terre ».
A l’heure où l’on s’interroge sur les manières de nourrir l’humanité sans détruire la planète, difficile de comprendre que l’on mise encore sur ce type de projets, énergivore et mauvais pour les sols... Réponse le 11 juillet prochain.
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