

Partant du principe que personne n’est inemployable, et que chacun a des compétences qui peuvent être utiles à la société, le dispositif Territoire zéro chômeur de longue durée, expérimenté sur dix territoires en France, offre un CDI à des chômeurs éloignés du marché du travail pour les réinsérer.
Dix zones d’expérimentation, petits villages gaulois qui résistent encore et toujours à l’empire du marché et qui ont fait le pari fou de donner un emploi aux personnes en faisant la demande. Tout simplement.
Portée initialement par l’association de lutte contre la pauvreté ATD Quart Monde, puis entérinée par une loi en 2016, cette initiative a pour vocation de faire sortir les personnes en situation de chômage de longue durée du cercle vicieux de l’exclusion. En réalité le principe est assez simple, l'Etat finance la création d’emplois, destinés à des personnes éloignées du marché du travail.
Concrètement les volontaires se présentent et définissent, avec les encadrants, un projet qui pourrait leur convenir en fonction de leurs compétences et aptitudes. Ce sont des CDI, payés généralement au SMIC et créés directement au sein de ce que l’on appelle une entreprise à but d’emploi, sociétés à but non lucratif qui embauchent des chômeurs et les proposent comme main d’œuvre aux entreprises et collectivités locales.
L’accent est donc mis sur l’utilité du travail. Le constat d’ATD était en réalité assez simple : personne n’est inemployable et chaque chômeur a des compétences qui peuvent être utiles à la société si elles sont mobilisées correctement. D’autre part, la France ne manque pas de travail mais plutôt d’emploi.
Des besoins innombrables existent qui ne sont pas satisfaits car leur rentabilité est trop faible : entretien des espaces verts, recyclage, épicerie ambulante ou dépôt de pain. Les exemples ne manquent pas. C’est donc la brèche dans laquelle a décidé de s’insérer l’expérimentation zéro chômeur de longue durée, en s’interdisant d’empiéter sur le travail des entreprises implantées sur le territoire.
Ces expérimentations ont également une forte dimension sociale car elles poursuivent également une volonté de réinsertion et de resociabilisation à l’égard des bénéficiaires du dispositif. Certes ces emplois sont au SMIC, mais ils permettent selon les mots de bénéficiaires, de se « remettre le pied à l’étrier », de retrouver « un rapport avec la vie réelle », grâce à leur travail et aux nouvelles formes de sociabilité qui en découlent.
Les concepteurs du projet pointent également le coût - en réalité neutre – dudispositif. Puisqu’il faut bien des arguments sonnants et trébuchants, pour convaincre du bien-fondé de tels projets, ses défenseurs mettent en avant les coûts évités pour la société, qui n’a plus à payer pour le chômage et les aides des bénéficiaires.
Comme l’explique Laurent Grandguillaume, président de l’initiative, un “chômeur de longue durée coûte en moyenne 17 000 euros par an, sans compter les différentes allocations” qui font monter ce chiffre à 25 000. Un SMIC coûte aux alentours de 20 000 euros par an. C’est donc une manière d’utiliser des dépenses dites passives pour créer des activités utiles et bénéfique pour l’ensemble de la société.
Et l’expérimentation est un vrai succès. Sur les dix territoires concernés il y a eu, en un an, 450 embauches en CDI. Un chiffre particulièrement impressionnant quand on sait qu’il correspond sur le terrain à un recul de 25% du nombre de personnes en situation de chômage de longue durée. Le plan pauvreté présenté par le gouvernement devrait d’ailleurs permettre l’extension au niveau national du dispositif et la création de 2000 nouveaux emplois d’ici à 2020.
Ce succès est d’ailleurs une réponse formidable aux critiques du projet, qui s’inquiétaient du risque de payer des gens à ne rien faire. Toujours la même crainte d’un argent public jeté par les fenêtres pour entretenir des assistés fainéants. En réalité le travail existe, ainsi que la possibilité d’un emploi pour chacun, même s’ils ne suivent pas nécessairement les logiques sinueuses du marché.
C’est justement toute l’intelligence de ce dispositif : remettre en cause la vieille logique binaire charité/contrepartie, qui est une manière de faire perdurer la dichotomie entre bons et mauvais pauvres. Il n’est plus simplement question de distribuer de l’argent, ni d’exiger des contreparties artificielles, mais bien d’offrir un droit à l’emploi, bénéfique non seulement pour les bénéficiaires, mais aussi pour l’ensemble de la société.
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