

Aux Pays-Bas, une vache s'est enfuie pour échapper à l'abattage. Cette jolie histoire en apparence nous interroge profondément sur notre rapport à la nature et aux animaux d'élevages.
Retour aujourd'hui sur l'histoire de la vache Hermien. Une sorte de conte moderne, à la morale ambiguë.
Nous sommes alors au mois de décembre, dans la campagne hollandaise et une vache limousine à la robe rouge, s’enfuit sur le chemin qui la mène à l’abattoir. Elle se réfugie alors dans les bois, où elle passe près de deux mois avant d’être retrouvée, attendant la nuit pour sortir et se nourrir dans les étables voisines.
Une histoire qui fait du bruit
On assiste en effet à une véritable vague de sympathie et de compassion sur les réseaux sociaux qui se mobilisent pour la liberté d’Hermien. Comme on peut s’en douter, un certain nombre de hashtags fleurissent sur twitter de #jesuishermien à #libérerhermien.
Et cette admiration pour la vache fugueuse fait tâche d’huile. Bientôt les médias s’emparent du sujet et le parti néerlandais des animaux met en place une cagnotte qui atteint rapidement les 50 000 euros et qui devrait permettre à notre vache rousse de finir ses jours à brouter paisiblement dans les prés.
Si on peut se féliciter de ce happy ending, permis par la mobilisation des internautes, cette histoire nous interroge tout de même sur le rapport ambigu de l’homme à ses animaux d’élevage et sur cette capacité à se passionner pour certains sujets avant de papillonner collectivement vers d’autres motifs d’indignation.
Une histoire pourtant loin d'être unique
Ces comportements de vaches et d’autres animaux d’élevage sont même plus fréquents qu’on ne le pense. Et c’est particulièrement le cas des vaches limousines, espèce particulièrement intelligente et capable de mettre en place de véritables stratégies de survie lorsqu’elles se sentent menacées. Il n’est pas rare ainsi de les voir cacher leurs veaux dans les fourrés, au moment où on vient les chercher pour l’abattoir.
Comme l’affirme Jean-Baptiste del Amo dans son ouvrage L214, Une voix pour les animaux: “chaque jour, dans les abattoirs, les animaux résistent: ils tentent de fuir, opposent une résistance physique aux opérateurs, se débattent. Des rébellions esquissées, impitoyablement réprimées”.
Ce texte a été écrit par un adversaire de l’élevage animal et de la consommation de viande, mais il nous interroge tout de même sur le rôle tout puissant de l’homme sur le devenir des bêtes. Il nous interroge aussi, à la lumière de l’histoire Hermien, sur ce à quoi tient la vie d’un animal. Que penser, en effet, de cette satisfaction collective, face au “sauvetage” d’une vache quand tant d’autres finissent en steak dans nos assiettes, sans que cela n’affole les médias ni twitter.
En réalité, cela nous parle aussi, et surtout de l’effacement, dans l’imaginaire collectif de l’origine réelle des viandes et des plats que nous consommons.
Sans prendre parti en faveur ou contre la consommation de viande, ce qui est frappant c’est cette fugace prise de conscience collective sur le sort inéluctable qui attend les jolies vaches de nos champs.
Comme on a pu l’entendre dans cette émission, ce sont aussi les modes d’exploitation et la fragmentation sans précédent des chaînes de production, qui ont entraîné cette invisibilité des agriculteurs et de leur travail. Si bien que lorsqu’on achète un steak en supermarché, jamais l’image de la bête ne nous traverse l’esprit.
Ne nous atteignent que des bribes, des fragments, lors d’un reportage télévisé, ou quand sort une vidéo de L214. Et c’est là que les films, documentaires ou de fiction, prennent toute leur importance, en nous dévoilant une image, plus complexe et plus fine, de cette vie réelle ou de cette vie rêvée des vaches.
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