Alors que le mouvement des gilets jaunes s'est construit sur un sentiment d'injustice fiscale, le scrutin par jugement majoritaire permet de recréer du consensus, notamment dans une perspective de consentement à l'impôt.
La question démocratique est profondément inscrite au coeur-même du mouvement des gilets jaunes qui réclame l’instauration de nouvelles formes de démocratie participative. En effet, si la contestation a débuté par le refus de la mise en place d’une nouvelle taxe -pénalisant avant tout les classes populaires- le débat s’est rapidement déplacé vers la question de la justice fiscale et du consentement à l’impôt.
Ainsi, la question n’est plus seulement de savoir s’il faut, ou non, augmenter les impôts, mais bien de s’interroger sur les personnes touchées et sur l’usage qui doit être fait de ces deniers. En clair : une taxe carbone, pourquoi pas, mais seulement si elle ne pénalise pas encore les plus pauvres... et si elle est ensuite fléchée vers une politique de lutte contre le changement climatique.
L’enjeu, pour les gilets jaunes et pour nombre de Français, était donc de n’avoir plus à subir des politiques iniques décidées contre eux, mais de prendre part pleinement au processus de décision démocratique.
On a notamment beaucoup parlé du référendum d'initiative citoyenne. C’est même devenu l’une des principales revendications des gilets jaunes qui expliquent ne plus se satisfaire de cette démocratie intermittente où ils ne sont entendus qu’une fois tous les cinq ans… sans pouvoir dans l’intervalle exercer le moindre contrôle sur leur gouvernement.
Pourtant le référendum n’est pas non plus exempt de risques et de critiques. Il a ainsi été maintes fois montré du doigt, pour l’usage potentiellement autoritaire qui pourrait en être fait. Certains dénoncent en effet les risques de dérive d’un instrument de démocratie directe hautement manipulable.
Si l’on peut s’interroger sur cette méfiance vis à vis de la volonté populaire, on peut néanmoins admettre que la logique binaire du référendum n’aide ni à la compréhension du sujet ni à l’élaboration d’une réponse éclairée. Comment en effet, répondre de manière juste et informée, quand la seule alternative proposée se place entre l’approbation béate et l’opposition définitive.
Autant de critiques auxquelles entend répondre un mode de démocratie participative dit du jugement majoritaire. C’est d’ailleurs ce que défend une tribune, intitulée Réinventer le référendum, publiée dans le média en ligne AOC. Selon ses auteurs, le référendum pourrait ainsi être repensé pour devenir, je cite, un véritable « outil de pacification et de construction du consensus ».
Le jugement majoritaire suppose ainsi de sortir de la logique binaire et réductrice du référendum pour redonner de la complexité et de l’intérêt au fait de voter. Concrètement, ce nouveau mode de scrutin permettrait aux électeurs de répondre à différentes propositions par une série de mentions comme « bien », « passable », « insuffisant » ou encore « à rejeter ».
L’intérêt d’un tel procédé étant de présenter le panorama plus fidèle et plus fin possible de la volonté des électeurs, dans leur pluralité et leur diversité. Les nuances dans le mode d’expression permettant également de limiter les phénomènes de polarisation ou de manipulation de l’opinion.
Les auteurs prennent ainsi l’exemple du référendum sur le Brexit qui, s’il avait suivi les règles du jugement majoritaire, aurait donné un tout autre résultat. Mais l’intérêt de ce mode de scrutin ne se limite pas au fait de donner une meilleure photographie de l’opinion. Cet outil permet non seulement de mieux prendre en compte la volonté populaire, mais aussi, -et surtout- de rendre la décision plus légitime et donc plus acceptable.
Les auteurs expliquent ainsi que le jugement majoritaire peut être utilisé à l’échelle locale, comme au niveau national, pour répondre à une consultation citoyenne ou voter un budget participatif. L’objectif étant non seulement de rendre compte des avis dans leur diversité, mais aussi de recréer du commun en impliquant les citoyens dans la vie de la cité.
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