Poutine vient d'être réélu président de la Fédération de Russie. Son bilan économique de ces dernières années est pourtant loin d'être fameux. Mais outre les irrégularités du scrutin, le président s'est assuré une popularité inébranlable par une politique très offensive sur le plan international.
Le président russe, Vladimir Poutine, a été réélu ce dimanche, avec un score plébiscitaire de 76%, soit le meilleur score jamais obtenu par Poutine en 18 ans de règne. Si on ne reviendra pas sur les accusations de manipulations du scrutin dénoncées par l’opposition et les ONG, il est cependant intéressant d'examiner les dimensions économiques de ce scrutin.
Alors que les deux premiers mandats du président Poutine ont été marqués par un redressement de l’économie, celle-ci a connu ces dernières années une forte stagnation, obligeant le président russe à s’appuyer sur d’autres éléments pour mener sa campagne. L’économie russe a ainsi péniblement atteint une croissance de 1,5% du PIB l’année dernière, bien loin des 7% par an en moyenne entre 2000 et 2008.
A cette époque, la croissance est dopée par un cocktail de réformes d’ouverture et de libéralisation du pays, après les années de léthargie de la présidence Eltsine, et surtout par la flambée du prix des hydrocarbures.
Une économie sous perfusion
Loin de se servir de cette période d’euphorie pour diversifier et renforcer l’économie du pays, le pouvoir russe a préféré se reposer sur ses lauriers pétrolifères et profiter d’une croissance forte mais artificielle. Et en 2015, quand les cours du pétrole s’effondrent, à cause de la baisse de la croissance chinoise et de l’ouverture des vannes de pétrole par l’Arabie Saoudite c’est toute l’économie du pays qui s’écroule aussi.
La population, qui bénéficie très largement des retombées, directes et indirectes, du pétrole et du gaz, subit de plein fouet ce tarissement économique. Le taux de pauvreté repart immédiatement à la hausse. Alors qu’il était passé de 29 à 10% entre 2000 et 2012, il remonte à 13,4% de la population en 2016.
Non, c’est même l’un des rares sujets sur lesquels le Kremlin a exprimé une forme d’autocritique. Le ministre de l’économie Maxime Orechkine a ainsi admis que l’extrême dépendance de l’économie russe au prix du gaz et du pétrole pouvait avoir une incidence négative sur le développement du pays.
Quand il atteint des sommets, cela entraîne de l’inflation et une appréciation du rouble qui pénalise les autres secteurs du pays. Quand il s’effondre, comme en 2015, c’est toute l’économie qui est mise à l’arrêt.
La fédération s’est en outre vue infliger une batterie de sanctions internationales suite à l’invasion de la Crimée et le soutien aux séparatistes ukrainiens. Ces mesures frappent une dizaine d’entreprises du secteurs de l’énergie et restreignent les transferts de technologie vers la Russie.
Les exportations d’équipements destinés à la recherche de pétrole et de gaz en eau profonde sont désormais interdites. Or la Russie a grand besoin de ces appareils, si elle veut s’attaquer aux gigantesques réserves présentes dans les profondeurs de la Sibérie et de l’Arctique.
La diversion internationale
Ne pouvant mettre en avant ses résultats en matière économique, le pouvoir a dû focaliser ses arguments sur d’autres sujets, en misant notamment sur une exaltation du sentiment nationaliste et sur le retour de la puissance russe.
La crise en Ukraine est donc présentée comme un rétablissement de la justice historique et un retour dans le giron russe d’une province qui lui avait été injustement retranchée. Moscou présente ainsi le référendum de 2014 sur le rattachement de la Crimée à la Russie comme une preuve de démocratie et une source de légitimité face aux critiques internationales.
De là à voir dans l’omniprésence russe et son activisme au Moyen Orient une stratégie de diversion face à ses déboires sur le plan économique, il n’y a qu’un pas... que l’on franchit aisément quand on constate la popularité insolente dont jouit le président russe face à des résultats économiques assez médiocres.
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