Taxer Facebook pour sauver le Figaro

Un homme lit le Figaro en octobre 2007
Un homme lit le Figaro en octobre 2007 ©AFP - STEPHANE DE SAKUTIN
Un homme lit le Figaro en octobre 2007 ©AFP - STEPHANE DE SAKUTIN
Un homme lit le Figaro en octobre 2007 ©AFP - STEPHANE DE SAKUTIN
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Le Parlement européen vient de voter la directive droit d'auteur qui entend instaurer un droit voisin. Celui-ci permettrait de rémunérer les éditeurs de presse à hauteur des contenus diffusés sur les plateformes des géants du numérique.

Si la directive sur le droit d'auteur, adoptée aujourd'hui par le Parlement européen, était ces derniers jours sur toutes les lèvres, c’est qu’elle pose la question de la dépendance économique des journaux et rédaction européennes, vis à vis des géants américains du net.

Et c’est le journaliste Sammy Ketz, directeur du bureau de l’AFP à Bagdad, qui avait lancé l’alerte le 28 août dernier. Dans une tribune au journal Le Monde, le reporter de guerre et lauréat du prix Albert Londres s’alarmait de la baisse continue du nombre de journalistes sur les terrains de conflit.

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Comme l’affirme Sammy Ketz, “les médias qui produisent les contenus et envoient leurs journalistes risquer leur vie pour assurer une information fiable, pluraliste et complète, pour un coût de plus en plus élevé, ne sont pas ceux qui en tirent les bénéfices.

Une manne publicitaire captée par les GAFA

La presse écrite, qui connaît depuis des années des difficultés, voit ses articles diffusés sur les réseaux sans la moindre contrepartie financière. En 2017, Facebook et Google ont ainsi capté à eux seuls plus de 90% de la publicité sur les smartphones, aujourd’hui premier dispositif d’accès aux articles de presse.

Or une partie importante des flux sur ces plateformes est justement générée par ces articles. Ce sont bien les médias et notamment la presse écrite qui produisent du contenu qui attire les internautes et qui permettent ensuite aux GAFA de vendre leurs espaces publicitaires à prix d’or.

Une situation à laquelle l’Union européenne entendait bien remédier. Après un rejet en première lecture le 5 juillet dernier, le Parlement européen a finalement adopté aujourd’hui un projet de directive sur le droit d’auteur qui vise à permettre une meilleure répartition des revenus entre les plateformes internet et les créateurs de contenus. Concrètement, ce texte entend donner les moyens juridiques aux éditeurs de presse pour leur permettre de négocier des compensations financières contre l’utilisation de leurs contenus.

Création d'un droit voisin pour la presse

L’article 11 de ce texte vise ainsi à créer un droit voisin au droit d’auteur pour les éditeurs de presse. Ce droit voisin serait ainsi un mécanisme complémentaire au droit d’auteur existant, bénéficiant aux éditeurs de presse et non aux journalistes eux-même. Il permettrait de rétablir un partage plus juste de la valeur et de la richesse créées.

Un droit qui existe d’ailleurs déjà dans de nombreux autres secteurs.Du cinéma à la musique, le droit voisin est la norme pour rémunérer les entités créatrices. Or la presse continue de faire figure d’exception, étant soumise à des législations qui datent d’avant l’arrivée des mastodontes du web.

C’est comme si on assistait à la création et à la montée en puissance de la radio et que les différentes chaînes pouvaient diffuser la musique qu’elles voulaient sans avoir à verser un centime aux maisons de disque concernés. L’objectif du droit voisin serait donc de contraindre les GAFA à régler une forme de redevance aux médias, à hauteur des contenus publiés sur leurs plateformes.  

Une bataille de lobbies

Un deuxième article de cette directive fait cependant polémique. Oui, car il entend renforcer le contrôle par ces mêmes plateformes, des contenus et de leur conformité avec les droits d’auteurs. Or certaines associations ont peur que cela se traduise par un filtrage automatique de tous les contenus et remette en cause la liberté du net.

Ces préoccupations sont compréhensibles et nécessiteront d’ailleurs -peut-être- un ajustement avant l’adoption définitive de la directive ou lors de sa transposition dans le droit français. Elle nous interroge cependant sur la capacité des géants du numérique à se contorsionner en feignant d’adopter le point de vue d’associations de défense de l’internet libre au nom de préoccupation purement financières.

Les débats ont ainsi donné lieu à une campagne de lobbying d’une rare violence, dans un camp comme dans l’autre, et l’on peut saluer dans le vote du Parlement, la capacité à légiférer pour soutenir l’indépendance des médias européens. Un vote pour le bien commun... C’est suffisamment rare pour être souligné.

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