1970, Jean Monod et Jean-Paul Dumond se servent de l'approche ethnographique pour analyser le film "2001, L'Odyssée de l'espace", sorti en 1968, qui leur apparait comme un système de significations et un langage faisant du film un mythe à lui tout seul.
En 1968, sort 2001, L'Odyssée de l'espace, de Stanley Kubrick, film qui, des dizaines d'années plus tard demeure toujours aussi fascinant et énigmatique. Rares sont les films qui ont suscité autant d'interrogations, d'analyses, de théories que 2001, qui est par ailleurs considéré par beaucoup de spécialistes comme une œuvre majeure et incontournable du cinéma du 20e siècle. Indémodable, le film n'a pas pris une ride, et continue d'influencer les réalisateurs de films de science-fiction.
"Vous êtes libres de vous interroger autant que vous voulez sur le sens philosophique et allégorique du film", disait Kubrick. Une telle déclaration est une indication qu'il a réussi à amener le public à un niveau avancé de de compréhension, mais aussi d'interrogation, vis-à-vis d'un film monumental, iconique et entré au panthéon des films qui auront marqué le 20e siècle.
Nous vous emmenons en 1970, soit deux ans après la sortie en salles de 2001. Sur les ondes de France Culture, Roger Pillaudin reçoit dans l'émission "Arcane" Jean Monod, jeune ethnologue qui, avec son collègue Jean-Paul Dumont, a écrit Le fœtus astral, un essai destiné non pas à comprendre le film, mais à analyser la structure de ce qui leur apparaissait comme un mythe cinématographique. S'inspirant de leur formation d'ethnologue, les deux hommes se lancent dans une étude structuraliste du film. Selon eux, derrière le premier niveau apparent et trivial de lecture de 2001, Kubrick cache dans un second niveau un langage qui crée la signification à partir d'une pure et simple manipulation des signes :
"Le thème de l'origine des astres occupe une place privilégiée dans les plus vieilles mythologies du monde. La mythologie contemporaine vient de donner une nouvelle version de ce mythe. Il s'agit du film 2001, L'Odyssée de l'espace, de Stanley Kubrick. [...] Il nous semble que ce film est construit selon des règles qui s'apparentent plus aux règles de composition des mythes qu'à celles du roman filmé. In Le fœtus astral, 1970".
Ce qui intéresse particulièrement Jean Monod et Jean-Paul Dumond, c'est ce qui se cache derrière la narration du film. Dans leur livre, les deux hommes appliquent la méthode de l'analyse structurale pour analyser la portée du film de Kubrick, mais également la manière dont le réalisateur parvient à faire émerger un langage par une manipulation de signes qui sont propres au film. Après avoir très rapidement résumé le film, Jean Monod explique :
"Le récit que je vous ai fait, c'est un récit oral à partir de quelque chose qui a été dit dans des images avec des sons. Par conséquent, il y a toute une partie qu'on peut mettre de côté, c'est justement le récit. Ce qui n'est pas racontable, c'est ce qui est dit effectivement dans le film, c'est à dire non pas une histoire, non pas une narration, mais une combinaison de signes, qui se combinent entre eux pour former quelque chose de signifiant".
Assez ironiquement, Kubrick semble réaliser un film sur l'humanité, mais il passe sous silence la temporalité de l'humanité que nous connaissons, sans doute pour nous priver de nos repères et pour réunir les conditions d'existence d'un langage débarrassé de tout référentiel et de toute subjectivité :
"Ce qui nous a frappés, c'est qu'il y avait un récit extrêmement ironique, puisqu'il met entre parenthèses l'histoire, c'est à dire le lieu où notre temporalité se joue, depuis l'aube de l'humanité jusqu'à l'ère que nous connaissons. En supprimant non seulement le temps de notre histoire, mais aussi le lieu de notre histoire, c'est-à-dire ce qui est pour nous la nature, l'auteur nous prive de toutes nos références habituelles et il se donne par là la possibilité de se constituer un langage sans référent extérieur".
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